Pneumopathies à Legionella Pneumophila

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Quentin Simon Publié dans la revue de : Avril 2019 Rubrique(s) : Observations cliniques
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Résumé de l'article :

Un syndrome grippal accompagné de toux peut être à l’origine de plusieurs diagnostics différentiels. Le but de cet article est de démontrer l’importance d’un examen clinique complet et la nécessité de rechercher les étiologies sous-jacentes devant une évolution inhabituelle d’une symptomatologie prolongée dans un syndrome grippal.

Que savons-nous à ce propos ?

La légionellose est une maladie d’origine bactérienne, potentiellement mortelle. Elle entraine une infection pulmonaire aigüe. L’émergence récente de cette maladie s’explique par son affinité pour les systèmes modernes d’alimentation en eau.

Que nous apporte cet article ?

L’article présenté illustre l’importance d’un dosage urinaire des antigènes de Legionella pneumophila afin de confirmer le diagnostic de Légionellose et de pouvoir instaurer une antibiothérapie adéquate le plus tôt possible tout en anticipant les risques de complication. Il permet par ailleurs de revenir sur les recommandations de prise en charge dans ce type de pathologie.

Mots-clés 

Legionella Pneumophila, Légionellose, Maladie Des Légionnaires, Fièvre De Pontiac, Pneumonie

Article complet :

Introduction

La légionellose, infection provoquée par des bactéries du genre Legionella, est une étiologie commune (< 5 % des CAP) de pneumonies communautaires et nosocomiales. La contamination humaine se produit par inhalation d’aérosols contaminés. Aucun argument clinique et radiologique ne permet de différencier avec certitude les légionelloses des autres étiologies de pneumonie. La mortalité importante est dépendante notamment de la précocité de la mise en route d’une antibiothérapie adaptée. Dans la majorité des cas, l’évolution est favorable.

Cas clinique

Une patiente âgée de 49 ans tabagique sans antécédent particulier se présente aux urgences pour une dyspnée accompagnée de toux non productive en aggravation depuis deux jours. A noter aussi la présence d’un contexte de pyrexie au domicile avec des épisodes de frissons.

À l’examen clinique, une dyspnée de stade IV selon la classification de New York Heart Association (NYHA) est objectivée. La saturation pulsée en oxygène (SpO2) est de 90 % sous 9L au masque réservoir. L’auscultation pulmonaire met en évidence des ronchis aux bases. L’entrée d’air est correcte et symétrique. On observe également un rythme cardiaque à 96 battements par minute, une fréquence respiratoire à 22 cycles par minute et une fièvre à 39,3°C. Le reste de l’examen clinique est par ailleurs sans particularité.

La biologie montre une leucocytose à 9250/µL [v.n. 4000 - 11000] accompagnée d’une neutrophilie à 7825/µL (84,6 %) [v.n. 1800 - 7400] et d’une lymphopénie à 836/µL (10.3 %) [v.n. 1200 - 3900] ainsi qu’un syndrome inflammatoire avec une C-Reactive Protein (CRP) objectivée à 400 mg/L [v.n. < 5].

Une gazométrie montre une alcalose respiratoire compensée accompagnée d’une alcalose métabolique ainsi qu’une importante hypoxémie (pH 7,52 ; pCO2 34 mmHg ; pO2 47 mmHg ; HCO3 27,8 mmol/L).

Un diagnostic de pneumonie bilatérale est fortement suspecté et un traitement par antibiothérapie empirique par amoxicilline/acide clavulanique 1g, 4x par jour est instauré aux urgences.

Les critères de diagnostic de pneumonie peuvent être suspecté suite à l’apparition d’un nouvel infiltrat radiologique accompagné d’au moins 2 des 3 critères suivants :

• augmentation des besoins en oxygène ou des expectorations purulentes ;
• température centrale < 35 ou > 38°C ;
• leucytose < 4000 ou > 10000/µL.

Suite au diagnostic de pneumonie bilatérale et à l’altération de l’état général de la patiente, une hospitalisation dans le service de pneumologie est préconisée. Durant celle-ci, le traitement par antibiothérapie est poursuivi, la SpO2 se normalise ne nécessitant plus qu’un litre d’O2 aux lunettes et reste constante tout au long du nycthémère.

Une radiographie thoracique de contrôle est effectuée par la suite et malgré une amélioration de la fonction respiratoire, celle-ci met en évidence un foyer lobaire inférieur gauche ainsi qu’un infiltrat péri-hilaire droit (Figure 1).

L’analyse des urines objective la présence d’antigène de Legionella pneumophila de sérogroupe 1 confirmant ainsi le diagnostic de pneumonie à Legionella pneumophila.

Un traitement par Levofloxacine 500 mg, 2x/jour est alors instauré pendant 21 jours après arrêt du traitement par amoxicilline/acide clavulanique vu l’inefficacité des bêta-lactamines.

Lors de la consultation de contrôle réalisée un mois plus tard, l’évolution clinique et respiratoire de la patiente est favorable.

Discussion

La Legionella est une bactérie Gram négatif aérobie stricte de la famille des Legionellaceae (1). Le principal agent de la légionellose est Legionella pneumophila (94%) (2) et 80 à 90 % des cas sont liés au sérogroupe 1.

En Belgique, la proportion des hospitalisations pour des infections à Legionella pneumophila parmi les pneumonies communautaires représente environ 0,5 à 10 %. La prévalence est d’environ 10 cas par 100 000 habitants et par an (3).

Les légionelles sont des bactéries de la flore aquatique répandues dans le monde entier (4). Elles sont présentes à l’état naturel dans les eaux douces (lacs et rivières) et les sols humides (5). Elles prolifèrent dans les sites hydriques lorsque les conditions de leur développement sont réunies, particulièrement entre 25 et 42°C. Elles sont thermorésistantes mais sont détruites lorsque la température dépasse 70°C. Néanmoins, les systèmes d’eau artificiels de type tour de réfrigération, plomberie, chauffe-eaux et bains thermaux créent des environnements favorables à la multiplication et à la dissémination de Legionella. Ils constituent les sources les plus fréquentes de la maladie.

Certains appareils et pièces d’équipement de soins comme les appareils de thérapie respiratoire (CPAP et BiPAP) ou les appareils utilisés pour les soins dentaires peuvent être également source de prolifération de cette bactérie (6).

La présence de dépôts organiques et d’autres micro-organismes ainsi que de fer, de zinc et d’aluminium dans les installations favorisent leur croissance. Ce sont des bactéries intracellulaires mais qui peuvent survivre à l’extérieur des cellules. Elles infestent et se multiplient dans les protozoaires libres dans l’environnement (notamment dans les amibes), dans les macrophages alvéolaires, les monocytes et les cellules épithéliales chez l’homme.

Les systèmes de climatisation sont également contaminés par des légionelles. Tous les éléments constitutifs ou annexes de ces systèmes qui comportent de l’eau stagnante et qui génèrent de la vapeur et des condensations sont des réservoirs potentiels de Legionella.

La contamination se fait par voie respiratoire, transmise par inhalation d’aérosols et par aspiration d’eau contaminée. L’infection directe à partir de la flore oropharyngée après intubation lors d’intervention chirurgicale, noyade ou fausse route est possible. La contamination par ingestion d’eau n’a pas été démontrée à ce jour. La transmission interhumaine n’a jamais été documentée. La dose nécessaire pour provoquer une infection chez l’homme n’est pas clairement définie.

Les facteurs de risque les mieux identifiés sont l’âge (supérieur à 50 ans), le sexe (masculin), le tabagisme et l’éthylisme, les traitements immunosuppresseurs et les maladies sous-jacentes ainsi que l’exposition plus ou moins prolongée ou fréquente à des sources de contamination (7). L’infection à Legionella pneumophila est exceptionnelle chez l’enfant (Figure 2).

La légionellose est une maladie de gravité variable allant d’une atteinte fébrile bénigne à des formes parfois mortelles de pneumonie.

Deux formes cliniques sont principalement décrites (8) (Tableau 1)

La fièvre de Pontiac est une forme bénigne, non pneumonique de l’infection à Legionella pneumophila. Les symptômes sont de nature grippale, soit une fièvre, de la fatigue, une myalgie, des céphalées, un mal de gorge et des nausées ; une toux peut être éventuellement présente. La fièvre de Pontiac est auto limitante et ne requiert aucune hospitalisation, ni aucun traitement antibiotique.

La légionellose aussi connue sous le nom de maladie des légionnaires est caractérisée par une pneumonie aiguë pouvant être mortelle dans les formes sévères (9). Après une période d’incubation de 2 à 10 jours, les patients présentent un syndrome pseudo grippal avec une fièvre, une toux sèche, des céphalées, des myalgies, de l’anorexie. A la phase d’état, le tableau associe une fièvre élevée, une dyspnée et une toux importante pouvant s’accompagner d’expectorations. La pneumonie est souvent associée à des signes digestifs de type de diarrhée ou à des signes confusionnels. Classiquement, on peut aussi observer une hyponatrémie bien que celle-ci soit non spécifique. Elle peut s’accompagner dans les formes sévères de signes de défaillance multi-viscérale. La mortalité est d’environ 15 à 25 % (10) (Figure 3).

En l’absence de traitement, la maladie des légionnaires s’aggrave généralement au cours de la première semaine. Les complications les plus fréquentes de la légionellose sont l’insuffisance respiratoire, l’état de choc, l’insuffisance rénale aiguë et multi-viscérale.

La légionellose est une maladie à déclaration obligatoire à cause du potentiel épidémique de la maladie. Tout cas confirmé de légionellose sera déclaré à la cellule de surveillance des maladies infectieuses de l’AViQ (Agence pour une Vie de Qualité) dans les 24 heures.

Le taux de mortalité dépend de la gravité de la maladie, de l’efficacité du traitement antimicrobien initial et des facteurs liés à l’hôte (c’est-à-dire qu’elle est en général plus grave chez les sujets immunodéprimés). Globalement, il se situe en général entre 5 et 10% (11).

Le diagnostic biologique repose sur la recherche de l’antigène de Legionella pneumophila de sérogroupe 1 dans les urines. La recherche d’une antigénurie est la méthode de choix en première intention. Le test se positive dans les premières 24-48 heures après l’exposition. La positivité de ce test peut persister en moyenne 2 mois après l’exposition et n’est pas modifiée par les traitements antibiotiques. Ce test a une spécificité de 99% et une sensibilité de 80%.

Dans la plupart des cas, d’autres techniques de diagnostic (sérologiques, amplification génique PCR, PCR-SBT [Sequence Based Typing] peuvent être utilisées, notamment pour le diagnostic des cas à Legionella pneumophila d’autres sérogroupes ou à Legionella non pneumophila.

Le choix des antibiotiques pour le traitement de la légionellose fait appel aux macrolides, aux fluoroquinolones ou la rifampicine (uniquement en association) (12).

Les macrolides sont le traitement de référence historique de la légionellose. La clarithromycine est plus efficace in vitro vis-à-vis de Legionella que l’érythromycine.

Les fluoroquinolones à visée respiratoire (lévofloxacine, moxifloxacine) ont une activité in vitro sur Legionella supérieure à celle de l’ofloxacine et de la ciprofloxacine.

La rifampicine n’est pas recommandée en monothérapie et n’est à utiliser qu’en association avec un macrolide ou une fluoroquinolone. Cependant, cette association est rarement recommandée puisqu'elle augmente les effets indésirables (13).

Son utilisation doit être prudente notamment chez le greffé, en raison des interactions médicamenteuses possibles.

Ainsi, les macrolides sont recommandés en monothérapie pour le traitement des légionelloses d’intensité légère à modérée et en association pour les formes graves et/ou chez les sujets immunodéprimés.

Les fluoroquinolones sont réservées aux formes graves de légionellose et aux formes du sujet immunodéprimé, en monothérapie ou en association (14). Il faut aussi signaler que face à des formes sévères de pneumonie à Legionella pneumophila (CAP 4), un traitement empirique sera toujours proposé.

La durée du traitement est de 8 à 14 jours pour les formes non graves (5 jours pour l’azithromycine), allongée à 21 jours dans les formes graves et/ou chez l’immunodéprimé (10 jours pour l’azithromycine).

Conclusion

L’infection à Legionella pneumophila est une maladie à sévérité variable.

Rappelons que les légionelles sont présentes de manière naturelle dans les milieux hydrotelluriques et se transmettent par voie aérogène par aspiration de microgouttelettes d’eau et de vapeur d’eau contaminée. Principalement, deux formes cliniques sont décrites : la maladie du légionnaire ou légionellose et la fièvre de Pontiac.

La légionellose peut être sévère et mener à une insuffisance respiratoire, une insuffisance rénale ou une défaillance multi-viscérale.

Aucun argument clinique et radiologique ne permet de différencier avec certitude les infections à Legionella pneumophila des autres étiologies de pneumonie. Le diagnostic de certitude reposera sur la présence d’antigène de Legionella pneumophila de sérogroupe 1 dans les urines.

La majorité des cas est diagnostiquée chez des personnes de plus de 50 ans et très rarement chez les personnes de moins de 20 ans.

La mortalité importante est dépendante notamment de la précocité de la mise en route d’une antibiothérapie adaptée. La légionellose est une maladie à déclaration obligatoire quand le diagnostic est établi. Dans la majorité des cas, l’évolution est favorable sous traitement antibiotique adéquat. L’antibiothérapie fait appel aux macrolides, aux fluoroquinolones ou la rifampicine (uniquement en association).

De manière générale, la légionellose n’est pas le premier diagnostic à évoquer en médecine générale, il ne faut l’évoquer que devant une pneumonie sévère (CAP 4), devant une suspicion clinique (sur base de facteurs d’exposition, d’une non réponse aux bêta-lactames…) ou chez un immunodéprimé.

Recommandations pratiques

- Devant un patient consultant pour dyspnée accompagnée de toux et d’épisodes de fièvre ayant des facteurs de risque faisant évoquer le diagnostic de pneumonie, il est important d’exclure la pneumonie à Legionella pneumophila ;

- La recherche de l’antigène de Legionella pneumophila de sérogroupe 1 dans les urines est le test de choix pour poser le diagnostic et guider l’antibiothérapie ;

- Le choix du traitement, de la voie d’administration et de la posologie dépendent de la gravité de la légionellose, du terrain sous-jacent et de la sécurité d’emploi de l’antibiotique, tout en prenant en compte le bon usage des antibiotiques ;

- Les formes non pulmonaires n’ont pas besoin de traitement antibiotique et la prise en charge des symptômes est suffisante ;

- Pour l’instant, il n’existe pas de vaccin contre la légionellose. Il est donc indispensable de prendre des mesures préventives s’appuyant sur l’entretien des sources potentielles d’infection notamment leur nettoyage et leur désinfection systématiques.

Correspondance

Dr. Quentin Simon
Médecine générale
quentin.simon@student.uclouvain.be

Références

  1. Edelstein P, Luck C. Legionella. Manual of Clinical Microbiology. ASM Press. 2007; 49 (9) : 887-888.
  2. Kruse E, Wehner A, Wisplinghoff H. Prevalence and distribution of Legionella spp in potable water systems in Germany, risk factors associated with contamination, and effectiveness of thermal disinfection. Am J Infect Contr. 2016 ; 44 (4) : 470-474.
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  3. Aviq. Légionellose - Déclaration des maladies transmissibles - Portail bien-être et santé. 2018. Disponible : https://www.wiv-isp.be/matra/CF/liste_matra.aspx
  4. Edelstein PH. Nosocomial Legionnaires’ disease: a global perspective. J Hospital Infect. 1988; 11 (suppl A) : 182-188.
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  5. Cunha BA. The atypical pneumonias: clinical diagnosis and importance. Clin Microbiol Infect. 2006 ; 12 (3) : 12-24.
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  6. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Légionellose - Problèmes de santé et problèmes psychosociaux - Portail santé mieux-être. 2017. Disponible : http://sante.gouv.qc.ca/problemes-de-sante/legionellose/
  7. Chidiac C, Cavallo JD, Che D, Cohen R, Garre M, Jarraud S, al. Updates for the antibiotic treatment of legionellosis in adults. Médecine et maladies infectieuses. 2012 ; 42 : 393-413.
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  8. Jarraud S, Girardo P, Reyrolle M, Etienne J. Legionella. Espace Professionnel des Biologie Médicale. 2002. Disponible : http://www.microbes-edu.org/professionel/prof.html
  9. Cunha BA. Legionnaires’ disease: clinical differentiation from typical and other atypical pneumonias. Infect Dis Clin North Am.2010; 24 (1), 73-105.
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  10. Ronel H, Hartemann P. Overview of diagnostic and detection methods for legionellosis and Legionella spp. Letters in Applied Microbiology. 2009 ; 48 (6) : 653-656.
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  11. Légionellose. Organisation mondiale de la santé. 2017 ; Aide-mémoire N° 285. Disponible : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs285/fr/
  12. Chidiac C. Antibiothérapie par voie générale dans les infections respiratoires basses de l’adulte. Pneumonie aiguë communautaire. Exacerbations de bronchopneumopathie chronique obstructive. Médecine et Maladies Infectieuses. 2011 ; 41 (5) : 221-228.
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  13. Grau S, Antonio JM, Ribes E, Salvadó M, Garcés JM, Garau J. Impact of rifampicin addition to clarithromycin in Legionella pneumophila pneumonia. Int J Antimicrob Agents. 2006 ; 28 (3) : 249.
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  14. Cecchini J, Tuffet S, Sonneville R, Fartoukh M, Mayaux J, Roux D, et al. Antimicrobial strategy for severe community-acquired legionnaires’ disease: a multicentre retrospective observational study. J Antimicrob Chemother. 2017 ; 72 (5) : 1502.
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