La chirurgie robotique cardiaque
Emiliano Navarra, MD
La réparation robotique de la valve mitrale
La chirurgie de la valve mitrale a été la plus influencée par la chirurgie mini-invasive (1-4). Lors du début de la chirurgie cardiaque assistée par robot, les technologies Automatic Endoscopic System for Optimal Positioning (AESOP; Computer Motion Inc., Goleta, CA, USA) et ZEUS robotic system (Computer Motion Inc.) ont été utilisées.
En 1998, Carpentier a décrit la première plastie mitrale complétement robotique en utilisant le Da Vinci Surgical System (5), qui est actuellement le robot le plus utilisé en chirurgie. L’enthousiasme initial pour la chirurgie mini-invasive a été tempéré par la crainte d’avoir une exposition trop limitée dans des opérations complexes et des temps opératoires prolongés au détriment de la sécurité du patient.
Cependant, grâce aux innovations récentes en techniques de perfusion, à l’amélioration de l’échographie trans-oesophagienne et aux développements de la technologie robotique et d’instruments chirurgicaux adaptés, la chirurgie cardiaque a pu développer la chirurgie mini-invasive.
Aujourd’hui, la plupart des interventions au niveau de la valve mitrale sont réalisables par voie robotique. Malgré les avantages évidents en terme de cosmétique, et d’abord moins traumatiques, l’utilisation du robot est restée limitée de crainte de sa complexité, de son temps opératoire prolongé, de la qualité de la réparation valvulaire et de son coût élevé (6-7). Mihalievic et al. (8) ont comparé dans une étude avec « propensity score matching » les résultats de la chirurgie mitrale robotique aux résultats de plastie par sternotomie classique, sternotomie partielle et mini-thoracotomie. Ils ont montré que la qualité de la réparation valvulaire mitrale était semblable entre les groupes comparés. Il n’y a pas eu de mortalité hospitalière. Les complications neurologiques, pulmonaires et rénales étaient semblables entre les différents groupes (P-value >.1). Par contre, les temps opératoires étaient plus longs de manière significative dans les réparations robotiques (P-value <.0001), liés à la plus grande complexité de la préparation anesthésiologique et de la technique chirurgicale.
Cependant, la complexité technique et les temps opératoires plus longs étaient balancés par un moindre traumatisme corporel, moins d’épisodes de fibrillation auriculaire post-opératoire et moins d’épanchements pleuraux, permettant un temps d’hospitalisation raccourci par rapport aux autres techniques. Cette technique mini-invasive améliore également la qualité de vie post-opératoire (QoL) et permet un retour plus rapide aux activités normales, comparée aux techniques conventionnelles (9).
Récemment, l’équipe de la Cleveland Clinic a présenté les résultats à court terme de leur expérience en chirurgie robotique. Ils ont montré que la plastie mitrale robotique est efficace et sûre pour corriger une insuffisance mitrale avec une faible mortalité et morbidité post-opératoire et presque 100% de réparation mitrale satisfaisante (10). Une plastie mitrale a pu être réalisée chez 99,5% des patients prévus pour une réparation valvulaire. 97,9% de ces patients avaient une insuffisance discrète ou pas d’insuffisance à la sortie. Ces excellents résultats dans une grande cohorte de patients, similaires aux autres études, confirment que les résultats de la chirurgie robotique sont reproductibles. Les auteurs ont souligné l’importance de créer une équipe expérimentée dédiée à la chirurgie robotique et de bien sélectionner les patients candidats pour le robot afin de garantir d’excellents résultats (Figure 3).
Dans notre institution, l’équipe chirurgicale a commencé la chirurgie valvulaire mitrale par voie robotique en 2012 après un entrainement spécifique et une longue préparation. Récemment, nous avons publié notre expérience initiale en réparation de la valve mitrale par voie mini-invasive robotique (11). Sept ans après le début de l’utilisation de cette technologie, nous avons pu constater que les résultats sont comparables à ceux publiés par d’autres auteurs et que la réparation robotique de l’insuffisance mitrale dégénérative est une excellente technique chirurgicale. La qualité de réparation est comparable à celle obtenue par sternotomie conventionnelle, avec un risque faible de complication et de récidive de régurgitation mitrale. Actuellement, dans notre institution, tous les patients présentant une insuffisance mitrale d’origine dégénérative sont adressés pour une réparation par voie robotique, indépendamment de la complexité des lésions de la valve mitrale ou de la nécessité d’une chirurgie concomitante de la valve tricuspide et/ou d’ablation de fibrillation auriculaire.
De plus, avec l’expérience accrue, nous avons observé, comme d’autres auteurs, une amélioration progressive des résultats cliniques et la réduction des temps opératoires. Le succès de notre programme robotique a été possible grâce à une équipe dédiée bien entrainée, un haut volume opératoire et des chirurgiens expérimentés spécialisés en réparation mitrale. La plastie mitrale robotique est maintenant devenue une intervention de routine dans notre pratique chirurgicale. L’utilisation occasionnelle de la chirurgie robotique devrait être évitée car elle ne permet pas d’atteindre un niveau de sécurité et de qualité de réparation valvulaire suffisant. De plus, elle ne permet pas d’avoir la cohésion dans l’équipe chirurgicale nécessaire à la réussite d’un programme robotique.
Références
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La chirurgie robotique thoracique
Valérie Lacroix, MD, PhD
La chirurgie robotique thoracique connait un essor significatif depuis une dizaine d’années (1). Elle permet la réalisation de résections pulmonaires, curages ganglionnaires et résection de tumeurs médiastinales (2). Des techniques plus complexes de résection-anastomose bronchique et/ou vasculaire ont été décrites (3). Basée sur les acquis de la chirurgie vidéo-assistée, cette nouvelle technicité apporte principalement la vision en 3D et les instruments articulés, permettant certainement d’améliorer la précision et la sécurité des gestes chirurgicaux (4).
Les résultats cliniques relatifs ont été évalués favorablement par rapport aux techniques existantes (thoracotomie et chirurgie vidéo-assistée), et la technique robotique est actuellement reconnue comme un standard de prise en charge chirurgicale des pathologies thoraciques (5).
Les procédures de résection pulmonaire pour affections tumorales de stade précoce (cancer non à petites cellules de stade I-II), principalement représentées par les lobectomies, ont été évaluées en termes d’évènements post-opératoires et d’efficience oncologique. Ces résultats ont été confrontés à ceux des techniques par thoracotomie et vidéo-assistée.
Les techniques minimales invasives (vidéo-assistée ou robotique) ont rapidement démontré un gain en termes de complications post-opératoires par rapport aux techniques de thoracotomie sans épargne musculaire et/ou costale (6). Une large étude comparative (7) a démontré un taux de complications significativement plus faible, un séjour hospitalier plus court et taux de mortalité plus faible suite aux procédures de lobectomie robotique comparées aux procédures par thoracotomie. Comparé à la chirurgie vidéo-assistée, le taux de conversion et de complications postopératoires des procédures robotiques était significativement plus faible avec un séjour hospitalier plus court.
L’efficience oncologique du curage ganglionnaire est évaluée par le nombre d’adénopathies réséquées mais aussi par l’upstage ganglionnaire. Le curage ganglionnaire a été décrit comme techniquement plus aisé à réaliser par voie robotique comparativement à la technique vidéo-assistée (8,9). Une étude rétrospective (10) n’a pas démontré de différence significative d’upstage ganglionnaire pour les techniques robotique et vidéo-assistée.
Une étude comparative ajustée (11) des 3 techniques chirurgicales a démontré un nombre équivalent de ganglions réséqués avec un upstage ganglionnaire le plus élevé pour la thoracotomie, suivi de la robotique puis de la technique vidéo-assistée. En analyse multivariée, l’upstage ganglionnaire ne diffère pas entre les techniques par thoracotomie ou robotique et était le plus faible pour la technique vidéo-assistée. Aucune différence en terme d’upstage des stations médiastinales centrales n’a été identifiée entre ces techniques.
La littérature démontre que la procédure de lobectomie robotique est associée à une survie à long terme et une survie sans maladie équivalentes à celles des techniques VATS et thoracotomie (6,12).
Les études comparatives évaluant la douleur post-opératoire ont démontré un avantage significatif des techniques minimales invasives ou d’épargne musculaire/costale en période post-opératoire précoce, permettant des protocoles d’analgésie plus légers. Cet avantage semble disparaitre à moyen terme (6 mois post-opératoire) (13,14).
L’évaluation de la qualité de vie est rendue difficile du fait d’interactions importantes avec la douleur et la fonction respiratoire. Les études ont montré que les chirurgies minimales invasives sont au moins non-inférieures à la thoracotomie concernant la qualité de vie, et qu’elles semblent contribuer à une meilleure appréciation des patients de leur santé (15-17). Des études complémentaires sont nécessaires pour démontrer une supériorité.
Une meilleure récupération respiratoire postopératoire a été décrite pour les techniques minimales invasives comparées à la technique par thoracotomie, bien que les thoracotomies d’épargne et les voies d’abord antérieures objectivent des résultats équivalents (18,19). Ce bénéfice ne semble pas persister à moyen et long terme (20). La thoracotomie postérolatérale a l’effet néfaste le plus prononcé sur la fonction respiratoire.
Par rapport aux coûts reliés à la technique robotique, on retient de la littérature que la période d’apprentissage de la technique robotique est reliée à des coûts plus élevés comparativement à la chirurgie vidéo-assistée (21). Cependant, cette différence devient non significative avec l’expérience et le volume d’activité majorés. Comparée à la thoracotomie, le coût de la chirurgie robotique devient alors comparable, si pas moins important ou même profitable (22).
En conclusion, la chirurgie robotique thoracique est actuellement une technique chirurgicale validée sur le plan clinique et oncologique. Elle permet une réduction du traumatisme chirurgical, apportant les avantages des techniques minimales invasives, tout en améliorant la précision et la sécurité des gestes chirurgicaux.
Références
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Correspondance
Dr. Emiliano NAVARRA
Dr. Valérie Lacroix
Cliniques universitaires Saint Luc
Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles