Contribuer à une certaine mémoire de la crise historique que nous traversons12 m’a paru difficile. En effet, alors que nous sommes encore dans la crise, dans l’expérience de la traversée, bousculés par tant de sollicitations éclatées qui fragmentent notre quotidien professionnel et privé, dans un contexte d’« infobésité » oppressant, de fatigue psychique intense, où puiser le souffle pour espérer pareille prise de distance ? Et plus exactement, en est-ce bien déjà le moment ? « On ne ressuscite pas en un jour ! », m’a un jour tancé la sœur d’une jeune mère décédée. C’est que cela nécessite de laisser remonter tout ce que l’urgence a obligé d’enfouir, de respecter le temps de la maturation lente, de l’écoute, de l’accueil de l’impensé. Viendra sans doute un moment opportun pour autre chose, ou peut-être pas. On ne sait pas. On l’espère. Honorons la traversée tant que nous y sommes. La pandémie n’a pas de sens en soi. Mais maintenant qu’elle est là, comment la sauver au sens d’y accueillir voire y susciter une dynamique de salut ou de Vie ? Comment nous laisser déconfiner par le haut ou du côté des racines profondes ? Cette note sera marquée par ces hésitations.
1 Voir site internet des aumôneries de St-Luc et du Campus. Nous y renverrons à notre bibliothèque lorsqu’un référence citée s’y trouve : https://www.alma-aumonerie.be
2 « Cette crise est historique. Ce numéro spécial du Louvain Médical 2020 devrait en être le reflet et une certaine mémoire locale. » : telles étaient les consignes du Professeur Cédric Hermans ;
Faire anamnèse, ‘pour la vie’
Un médecin le sait, faire mémoire est essentiel. Viser trop vite l’efficacité peut nuire. Anamnèse, du grec Anamnèsis, Mnémè : souvenir, mémoire. Recueillir ce que chacun expérimente, vit, ressent, ce que le corps même – individuel et collectif – exprime. De même racine, Mnémeïô signifie tombeau. ‘Qui nous roulera la pierre de devant ce tombeau’ pour que la mémoire vive n’y reste pas prisonnière ? On dit Saint-Luc « Hôpital pour la Vie » : slogan, certes, mais peut-être aussi appel à chercher les enjeux d’humanité qui se sont dévoilés dans le prendre-soin en ce temps de crise. Rien n’est gagné d’avance, ni perdu d’ailleurs. Dans la foi qui est mienne, la grâce, l’étonnement, pourrait nous surprendre. À son heure.
C’était hier, c’était il y a mille ans
Du premier choc, chacun gardera mémoire dans l’intime. Pour moi, ce seront, à vie, les premières images venues d’Italie : malades côte à côte, intubés, en position ventrale – celle de l’esclave, du sans visage – et l’impression, me vrillant le cœur, de la solitude qui les entourait. Ont suivi celles des convois militaires emportant leur cargaison de cercueils, de nuit et loin des regards, vers on ne sait où, après une expéditive bénédiction collective : à la limite du tolérable car s’y effondrait ce qui fait l’humanité de l’humain depuis l’origine. Le cri d’Antigone s’est réveillé en mes entrailles : « Dans le champ du malheur, planter une objection »3. Ce n’était plus en lointaine Chine, c’était dans la pièce à côté, la région la plus riche d’Europe. Et pourtant, c’était trop loin encore pour y croire. « On » allait trouver des solutions techniques, médicales, pour parer à cette épidémie. Comme toujours.
Il a fallu que, vendredi 13 mars, un médecin et une cadre infirmière me demandent de les bénir. Se moquaient-ils ? S’agissait-il d’une demande décalée d’une petite ‘assurance tout risque’ ? Mais non : ce week-end de garde serait difficile, incertain. Ce que j’ai compris, c’est qu’un autre, le Padre, les confirme dans leurs justes places et compétences. J’ai songé à Moïse priant Dieu d’ouvrir la mer pour que son peuple ‘y passe à pieds secs’, sans se laisser engloutir dans la peur ou la mort. Pas de Deus ex machina ici mais plutôt un appel à être au mieux responsables en ce temps inédit. Je leur ai rapporté l’antique tradition selon laquelle les soignants ont reçu une part particulière d’Esprit-Saint et j’ai demandé à Dieu de les bénir, très sincèrement : « Bonne traversée, les ami.e.s ! ». Ce jour-là, pour moi, la crise « réelle » est entrée dans nos murs et dans ma vie.
3 Henry Bauchau, in Passage de la Bonne-Graine, Arles, Actes Sud, 2002, p. 405. Chez bien d’autres, p.ex. Marion Muller-Collard, Lettre à Lucie, Gallimard, 2020. (Accessible alma-aumonerie.be )
Entre fuite et engagement choisi
Ce premier contact en précédera bien d’autres, dont l’affolement de certains sur les réseaux sociaux et leur hâte de fuir. J’ai repensé au commentaire du Psaume 10 que le Docteur Denis Mukwege4 fit au Centre Œcuménique en 2014 : « Mon âme est en moi comme un oiseau à qui l’on dit : fuis dans la montagne ! ». Si tout le monde obéissait à cette injonction intime – « fuis ! » – ce serait, certes, la « ruine » de notre humanité. Mais le Psaume ne veut pas juger : il signifie que rien ne va de soi en temps de crise, que l‘angoisse, que sauver sa peau, c’est légitime : nul n’a vocation au martyr. Au début, le manque d’informations et de protections était minant. Bien des soignants et autres personnels sont venus au travail la boule au ventre, inquiets pour eux, pour leurs proches, affolés devant l’incertitude. Moi aussi.
Accompagner tant de patients dans des soins lourds ou dans la mort nous a tous impliqués en profondeur et durablement, mais rien n’a autant touché, fragilisé, bouleversé que la menace extrême pesant sur des proches, des collègues, des amis. A tous les niveaux de la hiérarchie, nombreux sont les membres du personnel à avoir été atteints par le virus jusqu’à en payer le prix fort. La mort a atteint Saint-Luc en sa chair. L’hommage rendu à la première infirmière décédée du COVID restera vif dans les mémoires, tant il a mis en lumière la fragilité de nos existences mais aussi la bouleversante capacité de se soutenir dans la peine, de se serrer les coudes, de réaliser la profondeur de l’engagement des blouses de toutes couleurs et de le rechoisir, jour après jour. Le professionnalisme, l’entraide spontanément proposée entre services, la créativité pour bricoler des solutions en vue d’aider les malades, la compassion envers les collègues et unités atteints, tout cela fera qu’on ne se verra plus comme avant.
4 Lors de son Doctorat honoris causa. (Accessible alma-aumonerie.be )
Étrangete - solitude - indécence
Avec tous ces visages dans le cœur, s’est peu à peu creusé en moi un écart bien difficile à vivre entre l’hôpital et l’extérieur. Une étrangeté, une solitude. J’ai été envahi de messages ‘distrayants’, par une déferlante de discours tenus dans les médias par des maîtres qui nous l’avaient bien dit, qui savaient déjà que faire après et se plaçaient aux premiers rangs pour qu’on ne les oublie pas quand viendrait la reprise… Me furent aussi difficiles à supporter les propos ‘cools’ de ceux qui, depuis un cadre privilégié, se réjouissaient de ce temps de confinement comme d’une opportunité de ‘se retrouver soi-même’, de jouir de l’existence et du chant des oiseaux, de transgresser les règles du confinement ‘parce qu’on le vaut bien’. Moi, moi, moi… Si décalés d’une réalité douloureuse vécue par tant de personnes. Même le sympathique rituel des applaudissements de 20h00 m’a parfois donné l’impression qu’il visait plus à s’assurer (se rassurer) de sa propre pulsion de vie que de se relier à l’irreprésentable vécu en milieu de soins, ou au côté si abstrait du décompte quotidien des morts. « De l’autre côté de l’écran, c’est bien autre chose ! », a réalisé une étudiante visitant son père décédé. Le grand Pascal aurait déploré que, en proie au divertissement, l’humain cherche à se fuir pour ne pas dévisager le destin, le sien. Le rassemblement des urgentistes et pompiers bouleversés sous les fenêtres des amis en danger aux soins intensifs, m’a, lui, retourné le cœur.
En aumônerie, nous avons aussi connu un moment de solitude quand, en quelques jours, notre univers familier s’est délité : interdiction de toute visite aux malades, COVID-19 ou non, sinon en fin de vie (ramenant les aumôniers au rôle antique de passeurs du Styx...), annulation progressive, et pour un temps indéterminé, de toutes rencontres de groupe, cours, formations, célébrations, accueil au Carrefour spirituel ; mise à l’écart de nos nombreux partenaires volontaires, hospitalisation d’une collègue, etc.. Restait, fort heureusement, le lien si substantiel aux professionnels et aux équipes. Pour être sincère, s’il n’y avait pas eu la dynamique partagée avec mes collègues de l’aumônerie et le soutien de proches, une certaine panique et la tentation de remplir le vide m’auraient envahi. D’où sans doute mon irritation devant les messes (si cléricales) diffusées sur la toile alors que tant en étaient privés. Une patiente a écrit, tranchante : « Corona m’épuise. Je meurs de Faim et, à la TV, les prêtres ne font que se nourrir de Lui. Et nous ? ». M’a davantage fait sourire le côté fellinien des bénédictions de villes contre le virus, mises en scène avec grand déploiement d’ornements sacerdotaux, ou ces drive confession aux USA. Ont été d’une autre tenue les gestes sobres posés par le pape François, portant dramatiquement et seul à la face du monde les invisibles5 d’ici et du Sud, et le désastre social dont beaucoup font et feront les frais. Nous ne pouvons plus ignorer que nous partageons une ‘maison commune’ ni les liens étroits mis à jour entre les enjeux climatiques, économiques, spirituels et de santé publique.
5 Chez nous, réfugiés et sans-papiers, les étudiants étrangers privés de jobs et d’entraide ; les isolés (de psychiatrie, en MRS) ; les détenus ; les travailleurs au noir jetés comme des kleenex usagés.
Un déplacement traumatisant pour un grand nombre
Autour de la fin de vie des malades, COVID-19 ou non, un déplacement s’est opéré. Ce fut et reste un réel traumatisme au sein de la population de ne pouvoir accompagner ses proches comme désiré. Le milieu médical et hygiéniste s’est, malgré lui, approprié la mort. Il devra rendre la main. Heureusement, certains ont osé de l'objection de conscience et ont transgressé pour mieux ajuster sécurité et humanité. Des pistes se sont ouvertes depuis. Il me semble essentiel d’en conserver mémoire car peut-être y a-t-il eu là une prise de conscience que la mort, la mort de nos aimés, de nos aînés, ce n’est quand même pas… rien.
J’ai identifié une quadruple souffrance. (1) Quasi tous ont dit souffrir de n’avoir pas pu être présents dans le suivi de la maladie et de l’agonie de leur proche (l’être-là, le contact visuel, la tendresse et le toucher, c’est la nourriture de notre humanité ; la parole échangée, la reconnaissance, le pardon, l’adieu et la paix offerte, si essentiels aussi). (2) Beaucoup ont été blessés de n’avoir pu poser les gestes rituels souhaités – familiaux, culturels, religieux, … – avant ou après le décès. Certains gestes ont une force humanisante et spirituelle essentielle, fruits de siècles de savoir-être : tel sacrement ou bénédiction, telle prière des agonisants ou telle profession de foi obligatoire pour certains in articulo mortis, tel rite de désocialisation, de respect de la dépouille mortelle comme la toilette – rituelle ou non –, la mise en bière et l’adieu au visage, ainsi que les funérailles, à ce jour réduites à leur plus simple expression. Leur absence ou la culpabilité de ne pas respecter les dernières volontés du défunt peut s’avérer très douloureux6. (3) Ajoutons la souffrance plus communautaire d’être privé du soutien de la famille ou du réseau élargi, vu l’interdit de réunion et à fortiori des rituels coutumiers si subtils liés au temps long du deuil (veillée mortuaire, messe de quarantaine…). (4) Enfin, quand il s’agit de choisir qui sera autorisé à visiter le proche, les tensions intrafamiliales sont ravivées.
6 Le Conseil des théologiens de l’Exécutif des Musulmans de Belgique a interdit que les corps soient entreposés dans des frigos espérant un rapatriement (« une torture du défunt », selon le prophète) ou que soit déterré et réouvert le cercueil plus tard pour accomplir le rite de la toilette et l’envoyer au pays. C’est donc que des familles en souffrance y songent.
Les collègues chrétiens, juifs, musulmans et de la laïcité contactés, les familles et les soignants questionnés, consonent tous avec ces souffrances évoquées. Certes, c’est à souligner, les responsables des différents cultes se sont fort investis pour expliquer à leurs communautés et appuyer de leur autorité les limitations imposées par les pouvoirs publics : pour tous, la protection des vivants a primé. Cependant, si la population a compris rationnellement les règles établies, émotionnellement ce n’est pas le cas : elle s’est résignée mais qualifie sa souffrance de douloureuse, parfois de cruelle voire d’inhumaine.
Le pire scénario, c’est lorsque les proches n’ont eu aucun contact avec le défunt, ni avant ni pendant son hospitalisation (du fait du confinement), ni en fin de vie ni après la mort (quand tout a basculé en quelques jours et qu’il ne fut pas possible aux soignants d’organiser une visite : trop débordés, sans matériel de protection, n’y pensant parfois même plus car ‘H.S.’ eux-mêmes). Ce qu'ils vivent, c'est une véritable dépossession : leur parent a été pris par la maladie, arraché à leurs mains et regards aimants, kidnappé par l’hôpital puis happé par la mort. Seul. Au bout d’un parcours dont tout leur a échappé, le corps leur est brutalement rendu dans un cercueil anonyme si pas incinéré ou enterré à la va-vite, sans convier personne, en secret. Ce qui aura alors manqué dramatiquement, c’est une matérialisation de la mort7 : tant le chemin vers la mort que le corps mort auront été escamotés. Tel est l’enjeu : chacun a besoin de savoir comment son proche a terminé sa vie et d’acter puis de symboliser sa mort8. En témoignent ces mots bouleversants, reçus en écho à une interview9, d’un couple dont l’enfant est morte jadis dans un accident : « Quelques instants pour poser une main sur ce bois de l’adieu… C’était si court, presque dérisoire au regard de l’immense déchirure. Oui, être privé de l’accompagnement dans la chair de l’être aimé complique le deuil. Longtemps, j’ai gardé dans mes avant-bras la douleur maternelle de n’avoir pu la serrer contre moi. Longtemps, j’ai gardé la trace de ce manque charnel, dépouillée avec mon mari de ce dernier geste humain. ».
7 Merci à Joseph Tirone, infirmier chef des soins médicaux-chirurgical de Saint-Luc, de m’avoir éclairé sur cet enjeu de santé publique. Voir Claire Fercak, Ces morts qu’on n’accompagne pas, Tracts de crise n°19, Gallimard, 2002 (Voir alma-aumonerie.be) : « Un temps sera nécessaire à la réappropriation des moments retirés. ». (Voir alma-aumonerie.be)
8 C’est ce qui a conduit des équipes à imaginer des liens possibles (visites plus nombreuses que permis, contacts visuels par tablettes, GSM, etc.). Dans la procédure COVID de St-Luc (inspirée par ce qui se fait en maternité), une photo est prise lorsqu’un patient décède.
9 Guibert Terlinden, « Les soignants seraient-ils devenus les seuls spécialistes des fragilités de la vie ? », Entretien Annick Hovine, LLB du 04-04-2020 (voir alma-aumonerie.be)
L’impact sur les soignants est également très profond. Touchés dans leur humanité, ils se projettent dans cette solitude des patients et la blessure des familles : « Je ne le supporterais pas, si c’était mon père, ma mère… ». Ils sont aussi atteints dans leur façon professionnelle d’accompagner la fin de vie. Certains n’y étaient d’ailleurs que très peu préparés lorsqu’ils sont venus en appui : ce fut une véritable initiation pour une génération où la mort est escamotée, une surprise parfois d’avoir tenu bon, même quand il a fallu vivre plusieurs décès sur une journée. Le poids des consignes à suivre pour entrer en chambre COVID est aussi à souligner : c’est épuisant et isole soignants et personnel d’entretien du soutien des autres membres de leurs équipes.
L’accompagnement offert par ces équipes est donc éprouvant mais essentiel et à honorer. En l’absence des proches, elles tentent d’apporter le maximum d’humanité possible dans ces moments porteurs d’une exigence si inédite. Ne généralisons cependant pas : les différences entre les institutions ou au sein de celles-ci ont été flagrantes. Les inégalités de moyens et leurs conséquences ont en outre été sources de légitime indignation. Chapeau bas !
Plus spécifiquement, des infirmières ont souffert d’un contact fort tardif avec les familles car ce sont principalement les médecins qui ont nourri le lien – téléphonique ou virtuel. Un lien renforcé avec les infirmières, bien avant la fin de vie du patient ou sa mort, serait fort important et ferait sens pour tous. Mesure-t-on en effet l’épreuve inédite que vit un humain à être propulsé seul auprès d’un proche mourant ou décédé, alors qu’il n’a pu l’accompagner dans son cheminement et sa dégradation ? Souvent fort peu ‘équipé’ et impréparé à des images qui peuvent être terribles et à l’impact émotionnel considérable, sans aucun support familial ou rituel, il est d’autant plus important qu’il soit accompagné par une main professionnelle ‘solide’. Les aumôniers auraient pu épauler mais, à regret, on ne pouvait entrer qu’un à la fois, les proches à tour de rôle puis l’aumônier : pas de moment rituel partagé alors que, d’expérience, on sait combien grand peut être le partage d’une dynamique commune signifiante. C’est progressivement revu depuis.
« l’humain n’est pas une tomate qui peut pousser hors-sol »10
Pourquoi diable, cette expression découverte au détour d’une lecture m’a-t-elle saisi jusqu’à me poursuivre dans mes rêves par temps de COVID-19 ? Il y a sans doute de la protestation face à ce monde globalisé où les humains sont formatés selon un moule unique froid – « googlelisé, Macdonaldisé, Rayanairisé, marchandisé ». Quand le désir se laisse façonner par ces standards du temps et la pulsion effrénée de consommation, que ses racines sont privées de terre (historique, affective, sociale, culturelle, spirituelle), comment alors lui rendre sa saveur ? Un quasi rien, un ‘simple’ virus, et nous voilà tous, telles des tomates hors-sol, indifférenciés sous nos masques, prisonniers d’un univers aseptisé, méfiants les uns envers les autres, chacun dans sa bulle, atomisé. La tendance existait à la diminution des relations humaines réelles au profit du virtuel, des achats en ligne, du télétravail qui isolent : sortira-t-elle renforcée ou est-il permis d’espérer ?
Ma gratitude et ma joie sont alors profondes d’avoir pu collaborer, dans ce cadre inédit, à détourner cette approche industrielle et anonymisante de la vie, des relations et de la mort, au profit de ce qui s’est avéré être un émouvant laboratoire d’humanité. Le cadre a tenu bon grâce au professionnalisme de tous. Toutes les professions ont conjoint leurs efforts et chacune a été reconnue comme essentielle. Chacun et chacune a apporté sa singularité à l’ensemble, payant de sa personne de bien des manières pour le bien de tous. Aujourd’hui, nous sommes cabossés, convalescents – et encore, pas tous, à l’heure où j’écris ces lignes – et il faut déjà penser à demain, reconstruire après ces mois de crise. Pour ne pas recommencer comme avant, un temps d’arrêt serait salutaire, mais sera-ce possible ? Beaucoup y aspirent.
L’humain vient de l’humus, il en est pétri. L’humanité de chacun s’est révélée, fragile et immense. Préservons-la comme un trésor inestimable. Enracinons-y l’avenir car hors-sol, notre ‘ADN’ se dénature et meurt.
10 Expression reprise à Éric de Kermel in La Croix du 25-4-2020.