En Octobre 2020, le prix Nobel de physiologie ou médecine a été attribué à Harvey J. Alter, Michael Houghton et Charles M. Rice pour leur contribution exceptionnelle quant à la découverte du virus de l’hépatite C (VHC) (1).
En ces temps de pandémie, l’attribution de ce prix Nobel met en évidence la rapidité des développements de la médecine. En effet, ce virus a été identifié en 1989 et moins de 30 ans plus tard, nous disposons de traitements efficaces et sûrs. Ces traitements sont tellement efficaces que l’organisation mondiale de la santé (OMS) a fait de l’éradication de ce virus VHC un objectif majeur pour 2030.
Avant de parler de traitement, il convient de rappeler qu’avant 1989, on parlait de virus non-A, non-B (2,3) signifiant, de cette façon, que nous connaissions l’existence d’un virus différent du virus de l’hépatite A et de l’hépatite B susceptible de provoquer l’apparition d’une cirrhose et d’un hépatocarcinome.
En 1989 est identifié le virus VHC et cette découverte a permis de montrer que dans plus de 90% des cas, ce virus VHC correspond au virus non-identifié non-A, non-B (4).
Il s’agit d’un virus à ARN monocaténaire de petite taille d’environ 60 nm de diamètre contenu dans une capside protéique icosaédrique. Il se caractérise par une grande variabilité génétique : 7 génotypes différents ont été identifiés (4- 6).
Il est à noter que, souvent, le génotype est associé à une région du monde et/ou à un mode de contamination. À titre d’exemple, le génotype 1b est très fréquent en Europe Occidentale et le génotype 4 en Afrique noire (7).
La prévalence du VHC est, en Belgique, d’environ 0,7%.
Son mode de transmission se fait essentiellement par voie parentérale : la contamination par le sang avant 1990 dans notre pays et la toxicomanie sont les deux principaux pourvoyeurs de ce virus. La contamination peut aussi avoir lieu lors d’actes chirurgicaux ou médicaux invasifs, lors de tatouage, piercing, lors de la grossesse ... La contamination peut également avoir lieu lors de rapports sexuels entre hommes (8, 9).
Histoire naturelle
L’histoire naturelle de l’infection par le VHC est maintenant bien identifiée. Elle est le plus souvent asymptomatique ou caractérisée par de la fatigue. Exceptionnellement, une hépatite aiguë survenant de 5 à 45 jours après le contact avec le virus est observée. Ce caractère le plus souvent asymptomatique de l’hépatite aiguë explique que le diagnostic d’infection virale C est, le plus souvent, établi au stade d’hépatite chronique voire de cirrhose ou de la guérison en cas de résolution spontanée qu’au stade aigu.
Après l’hépatite aiguë le plus souvent asymptomatique, le risque principal de l’infection virale est l’évolution vers la chronicité observée chez environ 70% à 80% des patients (Figures 1a et 1b). Cela signifie que 20 à 30% des patients vont guérir spontanément : la guérison est affirmée par la présence des anticorps anti-VHC et l’absence de détection de l’ARN du virus dans le sérum. De tels sujets sont considérés comme étant guéris : il n’y a donc pas de suivi à prévoir dans cette situation. Il est, néanmoins, important de souligner que la présence de ces anticorps anti-VHC ne sont pas associés à une protection quelconque et, donc, un patient porteur de tels anticorps peut être réinfecté par le VHC (8,9).
Un portage chronique du VHC apparaît donc chez 70 à 80% des patients ayant rencontré le VHC, quel que soit le mode de contamination. Il n’existe pas de phénomène d’extinction spontanée de la multiplication virale en cas de portage chronique du VHC. Un tel portage chronique n’est pas nécessairement associé à un taux sérique élevé des transaminases. Il est donc indispensable chez un patient à risque de déterminer sa sérologie et, en cas de positivité de la sérologie, de rechercher la présence dans le sang de l’ARN du VHC.
Dix à 20% des patients porteurs chroniques du VHC développent une cirrhose après 20 ans d’évolution et 30% après 30 ans. Le risque de développer un hépatocarcinome chez les patients avec une cirrhose virale C est de 3% par an. Pour chaque patient infecté, il faut tenir compte du fait qu’il existe des facteurs modifiables et non modifiables qui influencent l’évolution de l’hépatite C chronique. Parmi les facteurs modifiables associés à une progression de fibrose plus fréquente et accélérée, on note la consommation d’alcool, de tabac, de cannabis, les co-infections virales B et VIH, le syndrome métabolique avec stéatohépatite non alcoolique (NASH) ainsi que l’immunosuppression. Les facteurs non modifiables associés à une évolution accélérée vers la cirrhose sont: l’âge avancé au moment de l’infection, le sexe masculin, certains polymorphismes génétiques et, possiblement, une infection par le VHC de génotype 3 (8, 9).
Différentes manifestations extrahépatiques peuvent survenir dans le cadre d’une hépatite C chronique, entre autres une cryoglobulinémie, une glomérulonéphrite ou certaines formes de lymphome.
Diagnostic et groupes à risque
Une hépatite chronique C doit être recherchée chez tout patient avec une évidence d’hépatopathie chronique (tests hépatiques perturbés, signes de cirrhose …). Comme l’hépatite C aigüe et chronique est, en général, asymptomatique, il est, de plus, recommandé de dépister les personnes à risque: antécédents de transfusion ou de transplantation avant 1992, toxicomanie, piercing et/ou tatouage effectué dans des conditions d’hygiène sub-optimale, patients infectés par le VIH, hémodialysés, prisonniers, enfants nés de mère infectées par le VHC, travailleurs de la santé avec antécédents de piqûre accidentelle…
En plus de ce screening basé sur l’existence de facteurs de risque, un screening de certaines tranches d’âge avec un taux élevé d’infection VHC est également recommandé: à titre d’exemple, aux Etats-Unis, une sérologie VHC est maintenant conseillée pour toute personne née entre 1945 et 1965. De telles recommandations n’existent pas en Belgique. Néanmoins, pour remplir les objectifs de l’OMS, il serait plus logique de réaliser une sérologie VHC chez tous les sujets adultes au moins à une occasion au cours de leur vie et ce, malgré l’absence d’un ou plusieurs facteurs de risque.
Avant la mise en route du traitement antiviral, une évaluation pré-thérapeutique doit être réalisée comportant la mise en évidence du stade de fibrose (Tableau 1). En 2020, une telle évaluation peut être réalisée de façon non-invasive et, donc, sans recourir à la réalisation d’une biopsie hépatique. Cette dernière a évidemment l’avantage d’objectiver, en plus, du degré de fibrose l’activité inflammatoire et la présence d’éventuels cofacteurs (NASH, ASH, surcharge en fer…). Cependant, la biopsie hépatique a un coût non négligeable et elle peut être associée à la survenue d’une morbidité. La mesure du stade de la fibrose peut donc être faite de façon non-invasive en utilisant, par exemple, l’élastométrie par fibroscan® ou autres techniques d’imagerie ainsi que des tests biologiques tels le FIB-4 , l’APRI ou le fibrotest (10, 11).
Traitements
Depuis le 1 Janvier 2019, en Belgique, toute personne infectée par le virus VHC a droit au remboursement de son traitement anti-viral.
Il existe deux types de traitement anti-viraux en Belgique : le traitement pangénotypique efficace pour tous les génotypes consistant en l’administration de la combinaison Sofosbuvir/Velpatasvir (Epclusa) sous la forme d’un comprimé par jour à prendre pendant 12 semaines ou en l’administration de l’association Glecaprévir/Pibrentasvir (Maviret) à prendre sous la forme de 3 comprimés par jour en une fois pendant 8 semaines. Ces deux traitements ont une efficacité supérieure à 95% et ont, comme seul effet secondaire significatif, une fatigue modérée (12).
À côté de ces deux traitements pangénotypiques, il existe également en Belgique deux traitements non-pangénotypiques (Elbasvir/Grazeprévir (Zepatier)) et Lédipasvir/Sofosbuvir (Harvoni) qui ne peuvent être prescrits que pour certains génotypes.
En cas d’échec rare d’un de ces traitements, la combinaison sofosbuvir/velpatasvir/voxilaprévir (Vosevi) peut être utilisée et est remboursée en Belgique en deuxième ligne. Ce traitement nécessite la prise d’un comprimé par jour pendant 12 semaines. Il se caractérise également par une très grande efficacité et a, comme effet secondaire principal, la survenue d’une fatigue modérée.
Ces trois traitements anti-viraux ne doivent pas être administrés avec certains autres médicaments au vu du risque d’interaction médicamenteuse (8,9).
La compliance demeure le problème majeur qui peut être associé à la prise de ceux-ci.
Le but du traitement est l’éradication du virus ou élimination virale soutenue (sustained virological response ou SVR) qui se caractérise par un VHC-ARN négatif douze semaines après l’arrêt du traitement anti-viral. Il a clairement été démontré que cette SVR est associée à une réduction du degré de fibrose hépatique, une diminution des complications liées au degré de fibrose et à une amélioration de la qualité de vie. De plus, avec le temps, une régression de la fibrose et de la cirrhose est observée (12).
Néanmoins, il faut rappeler qu’une SVR est une guérison virologique mais pas une guérison de la maladie hépatique. Un suivi est donc indispensable chez les malades traités avec succès mais cirrhotiques ou présentant une fibrose hépatique avancée (F3). En effet, pour ces malades, le risque de survenue d’un hépatocarcinome n’est pas supprimé par l’obtention d’une SVR. Il est donc nécessaire de réaliser, tous les 6 mois, une échographie hépatique et un dosage sérique de l’alfa-foetoprotéine chez ces malades tant qu’ils gardent un degré de fibrose avancé (13).
Il est également important de rappeler que la SVR n’est pas associée à une disparition des anticorps anti-VHC. Leur détermination post-SVR n’a donc plus de sens. Il faut aussi souligner que la présence de ces anticorps anti-VHC n’est pas protectrice vis-à-vis d’une éventuelle nouvelle infection exogène par le VHC.
Conclusions
L’attribution du prix Nobel de Médecine 2020 souligne les immenses progrès faits en 30 ans à ce niveau : compréhension de la virologie moléculaire, pathogénèse, histoire naturelle, prévention, diagnostic et traitement de l'hépatite chronique C. Celle-ci est maintenant facilement diagnostiquée et facilement traitée.
Il reste, néanmoins, à améliorer la fréquence de son diagnostic pour répondre à l’objectif de l’OMS à savoir l’éradication de ce virus.
Correspondance
Pr. Yves Horsmans MD, PhD
Cliniques universitaires Saint- Luc
Service d’Hépato-Gastroentérologie
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles
Références
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