Maladie thromboembolique veineuse et traitement anticoagulant prolongé

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Philippe Hainaut Publié dans la revue de : Avril 2021 Rubrique(s) : Webinaires
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Résumé de l'article :

Pour perpétuer et revivre l’expérience du premier webinaire, ce sont deux résumés concis, didactiques et pratiques que vous offre ce numéro du Louvain Médical. Le premier fait le point sur la coagulopathie du COVID-19, le second sur les indications et modalités de l’anticoagulation prolongée dans le décours de la thrombose veineuse et/ou de l’embolie pulmonaire, deux sujets pertinents.

Article complet :

Pourquoi un traitement anticoagulant prolongé ?

A l’arrêt du traitement anticoagulant prescrit pendant 3 à 6 mois pour une maladie thromboembolique veineuse (thrombose veineuse profonde et/ou embolie pulmonaire), les récidives sont fréquentes, avoisinant 10 % à 1 an et 30 % à 5 ans. Cette fréquence est plus élevée si l’événement thrombotique est survenu sans facteur favorisant identifié (idiopathique) ou en présence d’un facteur de risque persistant. Les rechutes sont les plus fréquentes au cours de la première année suivant l’arrêt de l’anticoagulation; leur occurrence décroit ensuite tout en demeurant largement supérieure qu’au sein d’une population sans antécédent thromboembolique.

Le plus souvent, la récidive emprunte la même expression clinique que l’évènement initial. Dès lors, la survenue d’une embolie pulmonaire lors de l’épisode initial impliquera en cas de récidive des conséquences plus lourdes sur le plan de la morbi-mortalité (décès, hypertension artérielle pulmonaire chronique).

Ces éléments illustrent le caractère chronique de la maladie thromboembolique veineuse, plutôt qu’un simple événement isolé, dénué de conséquence à plus long terme.

Evaluer le risque de récidive des patients pour identifier les bénéficiaires d’un traitement anticoagulant prolongé

On peut schématiquement distinguer trois groupes de patients :

- L’accident thromboembolique est survenu en relation avec un facteur de risque majeur (chirurgie majeure ou traumatisme lourd, immobilisation prolongée dans le cadre d’une affection médicale aiguë); le risque de récidive à l’arrêt du traitement est faible, de l’ordre de 3 %/an. On peut également assimiler à ce groupe des événements liés à un traitement oestrogénique ou à la grossesse. Il n’y a pas d’intérêt de prolonger l’anticoagulation au-delà de 3 à 6 mois.

- Les patients ayant présenté au moins deux épisodes thromboemboliques sans facteur de risque identifié, ou ceux souffrant d’un cancer actif ou en cours de traitement ou encore les patients porteurs d’une thrombophilie sévère, telle qu’un syndrome anti-phospholipides. Le risque de récidives est très élevé (> 8 % par an) ; la recommandation d’une anticoagulation prolongée est justifiée.

- Le troisième groupe est à risque intermédiaire, de l’ordre de 3 à 8 %/an de récidives en cas d’arrêt de l’anticoagulation. Il est constitué des patients qui ont présenté un accident thromboembolique en relation avec un facteur de risque transitoire peu important (vol long courrier, chirurgie ou traumatisme mineur), un facteur de risque permanent tel qu’une maladie auto-inflammatoire ou encore en l’absence de tout facteur de risque identifié. Dans ce groupe, il faut discuter individuellement l’intérêt d’une anticoagulation prolongée. D’autres éléments peuvent aider à la décision : le sexe masculin augmente le risque de récidive, les préférences du patient et sa compliance au traitement anticoagulant, le risque hémorragique, la sévérité de l’accident initial (embolie pulmonaire).

Les modalités pratiques du traitement anticoagulant prolongé

Il importe de préciser que l’anticoagulation prolongée implique de la poursuivre au long cours avec une réévaluation périodique (annuelle) du rapport bénéfices/risques. Etendre simplement la durée de traitement de quelques mois est peu utile puisqu’il ne permettra que de différer la récidive sans en réduire durablement l’incidence.

Les anticoagulants oraux directs ont simplifié la gestion de l’anticoagulation grâce à l’absence de monitoring et contribuent ainsi à une meilleure acceptation d’un traitement prolongé. De plus, leur profil d’efficacité et de sécurité s’avère excellent dans cette situation. Pratiquement, les 4 anticoagulants oraux directs à disposition (apixaban, dabigatran, edoxaban et rivaroxaban) peuvent être utilisés dans cette indication; ils offrent une efficacité supérieure à 98% avec un risque d’hémorragie grave inférieure à 1% sur base annuelle.

Pour l’apixaban et le rivaroxaban, on a démontré la parfaite efficacité et sécurité d’une dose réduite ; on peut ainsi utiliser dans cette indication de prévention secondaire au long cours, la dose de 2,5 mg 2x/jour d’apixaban ou de 10 mg 1x/jour de rivaroxaban. Pour les 2 autres molécules, aucune étude avec une dose réduite dans le traitement prolongé n’a été réalisée.

Rappelons aussi que l’aspirine offre une protection très limitée, évaluée à seulement 30 % de l’efficacité d’un anticoagulant oral direct et est donc loin de constituer un « maître-achat ».

A retenir

1. La maladie thromboembolique veineuse est une maladie chronique avec un risque non négligeable de récidives à l’arrêt du traitement anticoagulant.

2. La connaissance du profil du patient permet d’identifier ceux qui bénéficieront d’une anticoagulation prolongée.

3. Les anticoagulants oraux directs par leur simplicité d’utilisation, leur grande efficacité et sécurité dans cette indication, constituent le traitement de choix lorsqu’un traitement anticoagulant prolongé est indiqué.

Affiliations

Service Médecine Interne et Maladies Infectieuses Cliniques universitaires Saint-Luc