Un pic monoclonal correspond à la présence d’anticorps issus d’un seul clone plasmocytaire. Il est habituellement mis en évidence à l’électrophorèse des protéines, sous forme d’une bande étroite en gel d’agarose, le plus souvent dans la région des γ-globulines, moins souvent dans les β-globulines, ce qui se traduit par un pic à l’électrophorèse capillaire.
Le pic monoclonal se définit par un seul type de chaîne lourde (A, G, M, D ou E) et un seul type de chaine légère (κou λ). Son identification est essentielle car elle conditionne la recherche de sa cause et les modalités de suivi.
Un pic monoclonal peut être associé à une hémopathie (myélome multiple, lymphome,... ), mais il peut aussi être réactionnel, lié à une infection aiguë ou chronique (HIV, hépatites B et C, … ), à une pathologie auto-immune, un déficit immunitaire… Quand le pic monoclonal est isolé, quantitativement stable, on parle de MGUS – monoclonal gammopathy of undetermined significance ou gammapathie monoclonale de signification indéterminée.
Nous résumons ici quelques grands principes concernant les pics monoclonaux :
1. La prévalence des pics monoclonaux augmente avec l’âge : de 3% en dessous de 50 ans jusqu’à 10% au-delà de 80 ans !
- La présence d’un pic monoclonal n’est pas synonyme de cancer, le plus souvent il s’agit d’un MGUS (62%), puis par ordre décroissant, de myélome symptomatique (16%), d’amylose AL (8%), de myélome indolent (4%), de prolifération lymphoïde (3%), de maladie de Waldenström 53%), de plasmocytome (2 %) et autres (6 %).
3. L’isotype le plus fréquent est IgG (60%), de monotypie kappa (2/3 des cas).
4. Le risque de transformation maligne d’un MGUS en myélome ou en une autre lymphopathie est estimé à 1 % par an. Les facteurs de progression sont l’isotype de l’immunoglobuline monoclonale et son taux initial. Les IgM ou IgA ont un risque de transformation plus élevé que les IgG. Si le pic initial est < 5 g/l, le taux de transformation à 10 ans de 6 % contre 34 % pour un pic initial à 30 g/l.
Quand demander une électrophorèse des protéines ?
1. Le dépistage systématique d’une MGUS dans la population générale n’est pas recommandé.
2. L’électrophorèse est recommandée en présence de signes évoquant une maladie associée à une immunoglobuline monoclonale.
a). Anomalie de l’hémogramme sans cause évidente (anémie, lymphopénie ou lymphocytose)
b). Tassement vertébral suspect, fracture pathologique, lésions lytiques
c). Douleurs osseuses non traumatiques sans anomalies à l’examen radiologique standard
d). Hypercalcémie (corrigée en fonction de la protidémie/albuminémie)
e). Insuffisance rénale d’apparition récente, non obstructive
f). Protéinurie significative (> 0,5 g/l)
g). Neuropathie périphérique inexpliquée
h). Infections à répétition
i). Purpura vasculaire
j). Hépatopathie, adénopathies, splénomégalie
k). Polyarthrite inexpliquée
Quelle conduite tenir devant une anomalie de l’électrophorèse des protéines ?
1. Il est important d’obtenir la quantification du pic (estimation faite par le biologiste qui mesure l’aire sous la courbe) et sa caractérisation, avec identification de la chaine lourde et de la chaine légère, éléments indispensables pour orienter la recherche étiologique.
2. Dans de rares cas, l’électrophorèse montre une hypogammaglobulinémie : il faut alors évoquer la présence d’une gammapathie à chaînes légères et rechercher la protéine de Bence Jones (chaînes légères k ou λ) sur une collecte urinaire de 24 heures.
3. La conduite à tenir est basée sur les données cliniques, le type d’immunoglobuline et sa concentration
La présence d’une immunoglobuline monoclonale non-IgM (IgG, IgA, chaînes légères) doit faire rechercher en priorité un myélome. La présence d’une IgM monoclonale doit faire rechercher en priorité une maladie de Waldenström ou une lymphopathie.
a). Anamnèse et examen clinique : recherche de signes orientant vers un myélome, un lymphome ou une amylose AL (table)
b). Examens complémentaires de première intention : complet sanguin, fonction rénale, calcémie, protéinurie de 24 heures avec électrophorèse. Le dosage des chaînes légères sériques n’est pas remboursé, il peut aider à définir risque de progression d’un MGUS mais doit se limiter au bilan initial.
c). Imagerie : scanner osseux corps entier low-dose ou IRM du rachis et du bassin avec Rx standard des os longs et du crâne en présence d’une IgG ou IgA monoclonale, Rx thorax et échographie abdominale en présence d’une IgM monoclonale.
Quand référer le patient pour avis ?
1. En présence de tout signe évocateur de myélome, lymphome ou amylose AL.
2. En présence d’une anomalie identifiée au bilan initial : anémie, insuffisance rénale, hypercalcémie, tassement vertébral ou fracture pathologique.
3. En présence de valeurs élevées du pic monoclonal (pic IgG > 15 g/l, IgA ou IgM > 10 g/l, IgD quelle que soit la concentration).
4. Chez un patient jeune (<60 ans), quel que soit la valeur du pic.
Comment assurer la surveillance du pic monoclonal ?
1. La surveillance d‘un pic monoclonal doit être prolongée puisqu’il y a un risque évolutif (1 % par an), et comporter une évaluation clinique (état général, douleurs osseuses, syndrome tumoral) et un contrôle sanguin (hémogramme, calcémie, électrophorèse des protéines (au même laboratoire pour quantification), LDH (si IgM), urinaire (si chaines légères).
2. On propose un contrôle à 6 mois, puis un suivi annuel, sauf en cas de signes d’appel clinique.
3. La survenue d’une symptomatologie suspecte, de modifications évocatrices des examens de 1ère ligne, d’une augmentation confirmée d’au moins 25 % du pic justifient de demander un avis hématologique