Quand Vincent Van Gogh arrive le 8 mai 1889 à Saint-Rémy de Provence pour être interné à sa demande à l’Asile Saint-Paul de Mausole, il ignore sans doute qu’il entame une des années les plus heureuses et les plus fécondes de son existence. Fasciné par la qualité de la lumière et l’ardente beauté des paysages, inspiré, heureux et soulagé de retrouver une ambiance sereine et compréhensive auprès des religieuses et du personnel qui l’accueillent, il réalise près de 150 peintures et de nombreux dessins en l’espace d’un an parmi lesquels Les iris, La méridienne, La nuit étoilé, un Autoportrait… Le départ de Saint-Rémy le 16 mai 1890 pour Auvers sur Oise scelle la fin d’un parcours heureux. Il meurt deux mois plus tard d’une balle dans la poitrine lors d’une crise de folie.
Ce récit allégorique illustre mieux que tout autre une réalité oubliée : réhabiliter les personnes handicapées nécessite non seulement des médecins, des infirmières, des thérapeutes, des psychologues, des travailleurs sociaux et des orthophonistes, mais également un environnement attrayant du point de vue esthétique. Cette vision d’une médecine inspirée par la création artistique est à la base d’un projet artistique inspirant : la commande d’un site spécifique dédié à tous les handicapés du monde et conçu par Marc Chagall (1887-1985), faisant dire à l’artiste après avoir accepté de participer au projet : " Maintenant, je suis médecin. " Il nomme son œuvre monumentale « Job » en référence à la figure biblique, emblématique de l’extrême misère humaine et de l’abandon de tous, citant en exergue le livre de Job (Job 14 : 7) : Car il y a un espoir d’un arbre s’il est coupé, qu’il repoussera. Et que sa tendre branche ne cessera pas. » Ce message, imprimé au dos de la tapisserie et le motif correspondant, reflètent l’optimisme que Chagall souhaitait instiller pour tous ceux qui entraient dans les locaux de l’Institut de réadaptation. Il a conçu Job spécialement pour le hall d’entrée, en adaptant la taille de la tapisserie proportionnelle à l’espace environnant et en tenant compte de la lumière naturelle de la pièce. Tendue au départ du plafond, la vaste toile occupe tout l’espace et happe le visiteur dès son entrée. Comme dans plusieurs de ses œuvres, Chagall a saturé celle-ci de nuances de bleu symbolisait l’espoir. Œuvre de foi et de confiance en la valeur fondamentale de l’être humain, elle invite le malade ou le patient handicapé à trouver ce qui lui convient le mieux quand il rêve au meilleur de sa vie passée. Consacrée à toutes les personnes handicapées, l’artiste a placé dans le coin supérieur gauche de son œuvre un « arbre des personnes », en forme d’arborescence à feuilles persistantes. De nombreuses personnes représentées dans ses branches sont visiblement handicapées, en fauteuils roulants avec cannes et autres prothèses. Chagall termine le dessin et la gouache de sa tapisserie à l’âge de 96 ans, décédant avant la fin du tissage.