Introduction
Les tumeurs neuroendocrines du pancréas (pNETs) sont gradées histologiquement selon les recommandations 2010 de l’OMS par évaluation du Ki67-labelling index (Ki67-LI) sur pièce de résection chirurgicale (G1 : Ki67-LI < 2% ; G2 : 3-20%, G3 : > 20%). La technique de ponction à l’aiguille fine s’est développée ces dernières années pour permettre la récolte sous écho-endoscopie de matériel cytologique (Endoscopic Ultrasound guided Fine Needle Aspiration ou EUS-FNA). Si beaucoup d’études se sont penchées sur la validité diagnostique de l’EUS-FNA, peu en ont étudié l’utilité pronostique. Ce travail s’inscrit dans la poursuite d’une publication antérieure de notre groupe [1] ayant étudié la valeur pronostique du Ki67-LI sur EUS-FNA de 46 pNETs (dont 33 réséquées). L’objectif primaire est d’étudier la comparaison entre le Ki67-LI cytologique et histologique (à la fois en termes de grade mais aussi de valeurs brutes). Les objectifs secondaires sont d’évaluer l’impact de la taille tumorale et du nombre de cellules comptées sur le résultat de Ki67-LI sur FNA et d’estimer la survie globale et sans progression de tous les patients de la cohorte.
Matériel et méthode
Entre 1996 et 2013, 102 tumeurs neuroendocrines du pancréas (101 patients dont 57 opérés) ont été récoltées rétrospectivement de façon multicentrique. Le bilan diagnostique devait comprendre une EUS-FNA. Le Ki67-LI cytologique a été évalué sur les 102 ponctions par comptage manuel au microscope d’environ 200 cellules et dans un sous-groupe de 29 tumeurs (14 opérées) sur > 2000 cellules. Chez les patients opérés, le Ki67-LI a été évalué sur les pièces chirurgicales (au moins 2000 cellules comptées) et comparé avec le Ki67-LI de la FNA. L’évolution clinique a pu être suivie pour tous les patients jusque juin 2016.
Résultats
Le grade cytologique obtenu par EUS-FNA est confirmé à l’histologie sur pièce de résection chirurgicale dans 39/57 cas, reflétant un taux de concordance de 68.4% avec le seuil de 3% entre G1 et G2 (72% avec le seuil de 5%). L’accord entre les grades cytologiques et histologiques est significatif, à la fois pour les seuils de 3% (k=0.434, p<0.001) et 5% (k=0.354, p<0.001). La corrélation entre les valeurs brutes de Ki67-LI est également significative (r=0.443, p=0.001) et se renforce avec l’augmentation du nombre de cellules comptées (r=0.574, p<0.001 après exclusion des FNA contenant < 200 cellules ; r=0.824, p<0.001 pour les comptages > 2000 cellules). La taille tumorale est significativement plus petite en cas de gradations cytologiques et histologiques concordantes (26 vs. 35mm, p=0.023, seuil 5%). Trente-huit des 101 patients sont décédés avec un suivi médian de 70.5 mois. La survie globale (OS) médiane de la cohorte est de 235.30 mois. L’analyse de Log Rank (p<0.001) a pu identifier une OS significativement différente entre les différents grades tumoraux évalués sur la cytoponction, à la fois en utilisant le seuil de 3% (G1 235.30 mois, G2 68.68 mois et G3 10.95 mois) et de 5% (G1 235.30 mois, G2 36.35 mois et G3 10.95 mois ; HR 3.78 et 12.55). La survie sans progression (PFS) médiane est significativement meilleure (Log Rank p<0.001) pour les patients G1 sur FNA que G2 (39.80 mois) et G3 (10.07 mois) (HR vs. G1 : 2.61 et 14.70).
Conclusion
Il apparaît que la gradation cytologique des pNETs est mieux corrélée à l’analyse histologique lorsque la taille tumorale est plus petite et le nombre de cellules comptées plus important. Les erreurs de gradations qui persistent sont majoritairement des tumeurs G2 sur pièce opératoire, classées G1 à la FNA en raison de l’hétérogénéité des lésions. Néanmoins, la cytoponction est un outil efficace pour distinguer un groupe de patients de bon pronostic (G1) et un groupe de patient de plus mauvais pronostic (G3), à la fois en termes de survie globale et de survie sans progression. Les patients avec une tumeur neuroendocrine de grade 2 et 3 ont 3.78x et 12.55x plus de risque de décès que les patients G1 et sont 2.6x et 14.7x plus à risque de progression. Nos résultats apportent au clinicien un élément pronostique complémentaire lui permettant d’adapter son choix thérapeutique.
[1] Weynand B., Borbath I., Bernard V., et al. Pancreatic neuroendocrine tumour grading on endoscopic ultrasound-guided fine needle aspiration: high reproducibility and inter-observer agreement of the Ki-67 labelling index. Cytopathology 2014, 25:389-95.Affiliations
Laure Boutsen*, Ivan Borbath**, Anne Jouret-Mourin*, Aline Van Maanen*** et Birgit Weynand****
Promoteur : Pr. Birgit Weynand
Co-promoteur : Pr. Ivan Borbath
Services d'Anatomie Pathologique* et de Gastroentérologie**, Statistical Support Unit, Institut Roi Albert II***, Cliniques universitaires Saint-Luc, Brussels.
Pathologische Ontleedkunde****, UZ Leuven, Leuven, Belgium