Recommandations de l’ESC 2023 – SCORE2-Diabetes
Fabian O. Lurquin, Michel P. Hermans
Les recommandations de prise en charge des maladies cardiovasculaires (MCV) chez les patients atteints de diabète de type 2 (T2DM) ont récemment été révisées avec notamment la présentation d’un nouvel algorithme d’estimation du risque CV en prévention primaire.
Ce nouvel outil, appelé SCORE2-Diabetes, a été élaboré afin d’estimer plus précisément le risque CV à 10 ans chez le patient T2DM entre 40 et 69 ans en prévention primaire d’un événement CV fatal ou non (infarctus myocardique & AVC) & d’une atteinte sévère d’organes-cibles (TOD, target organ damage)*. Cet algorithme, modélisé de la même manière que SCORE2 introduit en 2021, permet l’estimation du risque CV primaire chez les patients diabétiques avec l’introduction de variables spécifiques : durée du diabète, hémoglobine glyquée et filtration glomérulaire selon CKD-EPI, combinées aux facteurs de risque CV majeurs : âge, pression artérielle systolique, tabagisme et non-HDL-cholestérol (1).
À l’instar de SCORE2 (et SCORE2-OP pour personnes âgées), SCORE2-Diabetes intègre le non-HDL-C, introduit officiellement dans les recommandations en 2021 par l’ESC comme élément essentiel et indépendant dans l’évaluation du risque CV et objectif thérapeutique. Le non-HDL-C (calculé comme cholestérol total – HDL-cholestérol) reflète le risque résiduel lié au LDL-C auquel s’ajoute celui attribuable aux autres lipoprotéines porteuses d’apoB100, même lorsque le LDL-C est à l’objectif. Son utilisation est particulièrement pertinente chez les patients atteints de T2DM ou de syndrome métabolique. Le non-HDL-C incorpore à la fois le risque lié aux LDLs et le sur-risque imputable au cholestérol transporté par les lipoprotéines riches en triglycérides, notamment les VLDL et IDL, dénommé remnant cholestérol (calculé comme cholestérol total – HDL-cholestérol – LDL-cholestérol) (2,3). Des directives internationales préconisent le non-HDL-C en tant qu’objectif thérapeutique secondaire après le LDL-C, mettant en avant sa contribution cruciale aux dyslipidémies communes (4).
SCORE2-Diabetes remplace par conséquent le score ADVANCES et le modèle DIAL recommandés en 2021 pour définir le risque CV en prévention primaire (maladie CV et complication microvasculaire sévère) chez les patients T2DM. Ces calculateurs présentaient quelques limitations d’applicabilité aux populations européennes. SCORE2-Diabetes apporte comme nouveautés par rapport aux recommandations 2019/2021 une stratification plus précise du risque des diabétiques en prévention primaire d’événement CV & d’un TOD sévère. Il est recommandé chez les patients de 40 à 69 ans avec T2DM sans maladie CV athérothrombotique avérée & sans TOD sévère d’évaluer leur risque CV à 10 ans en utilisant l’algorithme SCORE2-Diabetes.
Certains patients ne remplissant pas les critères de très haut risque CV mais qui selon leur score ont un risque >20% de développer un événement CV dans la décennie à venir seront dès lors reclassés à très haut risque. Les cibles thérapeutiques lipidiques seront les mêmes pour ces patients que les patients en prévention secondaire (LDL-C <55 mg/dL, non-HDL-C <85 mg/dL, apoB100 <65 mg/dL).
Les recommandations de l’ESC 2023 de prise en charge des maladies CV chez le patient T2DM invitent désormais le cardiologue au dépistage des TOD gluco-dépendantes, en particulier la maladie rénale chronique. Parallèlement, ces mêmes recommandations proposent aux diabétologues & médecins généralistes de rechercher systématiquement une insuffisance cardiaque par l’anamnèse, l’examen clinique et surtout par le dosage de peptides natriurétiques.
Enfin, une recommandation de classe 1A s’applique désormais à l’utilisation de la finérénone chez les diabétiques avec atteinte rénale avérée.
Un abord horizontal de la part des différents spécialistes dans l’approche thérapeutique du diabète est vivement encouragé. L’avènement des thérapies pléitropes telles les inhibiteurs SGLT2 et agonistes du récepteur au GLP1 a logiquement fait évoluer la pratique médicale en invitant le praticien à penser et à appréhender la prise en charge du diabète de manière plus holistique.
Références
- Marx N, Federici M, Katharina Schütt, Müller-Wieland D, Ajjan RA, Antunes MJ, et al., ESC Scientific Document Group , 2023 ESC Guidelines for the management of cardiovascular disease in patients with diabetes: Developed by the task force on the management of cardiovascular disease in patients with diabetes of the European Society of Cardiology (ESC), Eur Heart J. 14 October 2023; Volume 44, Issue 39: 4043–4140, https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehad192
- Wadström BN, Pedersen KM, Wulff AB, Nordestgaard BG. Elevated remnant cholesterol and atherosclerotic cardiovascular disease in diabetes: a population-based prospective cohort study Diabetologia. 2023 Dec;66(12):2238-2249.
- Welsh P, Sattar N. To ApoB or Not to ApoB: New Arguments, but Basis for Widespread Implementation Remains Elusive. Clin Chem. 2023;69(1):3-5.
- Vikrama R, Aguiar C, Alsayed N, Chibber Y, ElBadawi H, Ezhov M, et al. Non-HDL-cholesterol in dyslipidemia: Review of the state-of-the-art literature and outlook. Atherosclerosis 2023;383;117312.
* TOD - Atteinte sévère d’un organe-cible : i) IRC 3a avec une microalbuminurie A2 selon la classification KDIGO (eGFR = 45-59 mL/min/1.73m2 et un rapport albuminurie-créatininurie (ACR = 30-300 mg/g), ii) IRC ≥3a (eGFR <45) indépendamment de l’ACR, iii) macroalbuminurie (ACR >300), iv) triple atteinte microvasculaire : néphropathique, rétinopathique et neuropathique.
Remboursement de la mesure continue du glucose interstitiel par capteur chez les patients conventionnés du groupe B
Fabian O. Lurquin, Audrey Loumaye, Laura Orioli, Michel P. Hermans, Vanessa Preumont
Les patient(e)s atteints de diabète sucré qui remplissent les critères de Convention de catégorie B peuvent bénéficier depuis le 1er juillet 2023 du remboursement intégral de systèmes de mesure continue du glucose interstitiel par capteur (selon un scanning intermittent, connu sous l’expression système flash d’auto-surveillance – isCGM, FreeStyle Libre 2 ou selon un système de transmission en continu - rtCGM, Dexcom One) (1).
Ces patient(e)s présentent :
- un diabète de type 2 (T2DM) ou d’autres formes de diabète et ont besoin, pour la gestion de leur glycémie, d’un traitement complexe comportant un minimum de 3 injections quotidiennes d’insuline ;
- un diabète de grossesse, traité par insuline ;
- un diabète secondaire à une transplantation d’organe ;
- un diabète traité par insuline chez un(e) patient(e) en dialyse rénale ;
- un diabète sucré traité par insuline et/ou par d’autres médications hypoglycémiantes injectables avec désir de grossesse.
Un nombre défini de capteurs leur sera accordé sur une période d’un an. Cette Convention est renouvelable chaque année pour autant qu’ils/elles remplissent les critères de la Convention.
Il existe peu d’études randomisées contrôlées (RCT) ayant exploré l’efficacité de ces systèmes dans ces populations. L’on constate par exemple un taux d’événements hypoglycémiques inférieur avec ce type de technologie en comparaison à la méthode standard (i.e. contrôle glycémique capillaire) dans une population de T2DM avec antécédent d’infarctus du myocarde récent. Le délai d’obtention d’un équilibre glycémique satisfaisant était également réduit sous isCGM (2). Hors critères de Convention de catégorie B cette fois, l’étude IMMEDIATE a montré que, chez les patient(e)s T2DM non traité(e)s à l’insuline, l’utilisation d’isCGM est associée à une amélioration des paramètres glycémiques par rapport à un groupe contrôle ne pratiquant aucune glucométrie (3).
Alors que l’utilisation de ces technologies s’est montrée déterminante dans le diabète de type 1 en condition gravidique, un récent RCT n’a pas montré de bénéfices en termes de critères d’évaluation obstétricaux sous isCGM en comparaison à la méthode de mesure capillaire traditionnelle dans le suivi d’un diabète gestationnel (4).
En revanche, ces technologies améliorent incontestablement la qualité de vie des utilisateur(trice)s. La peur des hypoglycémies et la charge mentale globale que représente la gestion quotidienne du traitement du diabète sont significativement atténuées (5). Ces technologies sont une alternative chez les patient(e)s plus âgé(e)s et plus fragiles, à risque accru d’hypoglycémies.
De études longitudinales à plus grande échelle et avec des suivis prolongés sont attendues pour évaluer les éventuels bénéfices cardiovasculaires, métaboliques et obstétricaux que ces technologies peuvent apporter à plus long terme dans les populations précitées. Pour n’en citer qu’une, évoquons l’étude MAGIC-T2D à laquelle participe le service d’Endocrinologie & de Nutrition des CUSL. Il s’agit d’une étude multicentrique belge, visant notamment à évaluer les bénéfices en termes de contrôle métabolique et de qualité de vie de la mise en place d’un CGM chez les patient(e)s T2DM traité(e)s par multi-injections (convention B1 ou équivalents hors convention).
Références
- https://www.inami.fgov.be/fr/themes/soins-de-sante-cout-et-remboursement...
- Ajjan RA, Heller SR, Everett CC, Vargas-Palacios A, Higham R, Sharples L, et al. Multicenter Randomized Trial of Intermittently Scanned Continuous Glucose Monitoring Versus Self-Monitoring of Blood Glucose in Individuals with Type 2 Diabetes and Recent-Onset Acute Myocardial Infarction: Results of the LIBERATES Trial. Diabetes Care. 2023 Feb 1;46(2):441-449.
- Aronson R, Brown RE, Chu L, Bajaj HS, Khandwala H, Abitbol A, et al. IMpact of flash glucose Monitoring in pEople with type 2 Diabetes Inadequately controlled with non-insulin Antihyperglycaemic ThErapy (IMMEDIATE): A randomized controlled trial. Diabetes Obes Metab. 2023 Apr;25(4):1024-1031.
- Lai M, Weng J, Yang J, Gong Y, Fang F, Li N, et al. Effect of continuous glucose monitoring compared with self-monitoring of blood glucose in gestational diabetes patients with HbA1c<6%: a randomized controlled trial. Front Endocrinol (Lausanne). 2023 Apr 19;14:1174239.
- Klupa T, Czupryniak L, Dzida G. et al. Expanding the Role of Continuous Glucose Monitoring in Modern Diabetes Care Beyond Type 1 Disease. Diabetes Ther. 14, 1241–1266 (2023).
Les agonistes du récepteur du GLP-1 : un « game changer » dans le traitement de l’obésité ?
Jean-Paul Thissen, Audrey Loumaye
Le GLP-1 et les molécules qui en sont dérivées (appelées agonistes du récepteur du GLP-1 ou GLP-1RAs), ont été reconnues comme molécules de l’année 2023 par le journal Science.
Initialement développés pour le traitement du diabète sucré de type 2, les GLP-1RAs ont ensuite été étudiés dans la prise en charge de l’obésité. Leur intérêt tient surtout à l’ampleur de la perte de poids obtenue, qui peut atteindre 20% voire 25% avec les molécules en cours de développement. Il s’agit d’une perte de poids jamais observée avec les autres traitements médicaux de l’obésité et qui se rapproche de celle induite par la chirurgie bariatrique, qui est en moyenne de 30%. La perte de poids résulte quasi exclusivement d’un effet satiétogène secondaire à la stimulation du GLP1-R au niveau de l’hypothalamus. Outre la perte de poids, ces molécules ont montré un effet bénéfique sur la plupart des comorbidités associées à l’obésité. C’est notamment le cas pour le (pré)diabète sucré, mais aussi la maladie du foie associée à un dysfonctionnement métabolique, le syndrome des apnées du sommeil et dans une moindre mesure, la dyslipidémie athérogène et l’hypertension artérielle. De plus, chez des patients en obésité mais non diabétiques en prévention secondaire, le Sémaglutide 2.4 mg (Wegovy®) a montré une réduction de 20% des événements cardiovasculaires (1). Enfin, la sécurité des GLP-1RAs, du moins les plus anciens qui ne ciblent que le récepteur du GLP-1 a été établie, même si plusieurs incertitudes sur leur utilisation à très long terme demeurent. Les effets secondaires les plus fréquents sont essentiellement digestifs, rarement sérieux et souvent transitoires (nausées, vomissements, parfois constipation ou diarrhées). Les effets secondaires graves sont beaucoup plus rares (pancréatite, lithiase biliaire et cholécystite) et peuvent également être favorisés par la perte de poids elle-même. L’utilisation à grande échelle de ces molécules en particulier le Sémaglutide (Ozempic® ou Wegovy®) a conduit à mettre en évidence des problèmes plus rares encore notamment une gastroparésie, potentiellement responsable de fausse déglutition dans le contexte opératoire. Plus récemment, l’attention a été attirée par le risque d’idées suicidaires, de perte de cheveux, et de cancer thyroïdien avec ces molécules (2). Ces risques sont actuellement évalués par les agences sanitaires.
Les développements récents ont conduit à la mise au point de double-agonistes (agonistes des récepteurs du GLP-1 et du GIP), en l’occurrence le Tirzepatide (Mounjaro® ou Zepbound®) dont les effets tant sur le poids que sur le diabète sont supérieurs à ceux obtenus avec les agonistes ciblant uniquement le GLP-1R (3). Des triple-agonistes ciblant les récepteurs du GLP-1 et du GIP mais aussi du glucagon sont à l’étude et semblent particulièrement efficaces sur la perte de poids (4). Parallèlement, les recherches actuelles visent à développer des molécules à prise orale et des formules retards injectables pour stimuler le GLP-1R (5). Ces avancées devraient permettre une meilleure adhérence thérapeutique et un moindre coût, conditions nécessaires à une utilisation à long terme de cette classe de molécules.
La mise à disposition de ces médications soulève de nombreuses questions, notamment celle du coût et d’un éventuel remboursement, d’autant qu’à l’instar d’autres affections chroniques, le traitement de l’obésité doit se concevoir à long terme. En outre, ne peut-on pas craindre que le traitement hygiéno-diététique (« lifestyle ») tout comme la prévention primaire de l’obésité et d’autres affections liées à une alimentation malsaine (par exemple, le cancer) ne soient délaissés ? Quelle sera la place de ces molécules par rapport à la chirurgie bariatrique ? Enfin, les bénéfices et les risques de l’utilisation de ces molécules à très long terme ne sont pas encore connus. Même si toutes ces questions méritent d’être adressées, il n’en demeure pas moins, qu’après des décennies d’échecs, un changement de paradigme se dessine dans la prise en charge de l’obésité.
Références
- Lincoff AM, Brown-Frandsen K, Colhoun HM, Deanfield J, Emerson SS, Esbjerg S, et al. SELECT Trial Investigators. Semaglutide and Cardiovascular Outcomes in Obesity without Diabetes. N Engl J Med. 2023; 14;389(24):2221-2232
- Ruder K. As Semaglutide’s Popularity Soars, Rare but Serious Adverse Effects Are Emerging. JAMA. 2023; Dec 12;330(22):2140-2142.
- Jastreboff AM, Aronne LJ, Ahmad NN, Wharton S, Connery L, Alves B, et al. Tirzepatide Once Weekly for the Treatment of Obesity. N Engl J Med. 2022; Jul 21;387(3):205-216.
- Jastreboff AM, Kaplan LM, Frias JP, Wu Q, Du Y, Gurbuz S, et al. Retatrutide Phase 2 Obesity Trial Investigators. Triple-Hormone-Receptor Agonist Retatrutide for Obesity - A Phase 2 Trial. N Engl J Med 2023.
- Wharton S, Blevins T, Connery L, Rosenstock J, Raha S, Liu R, et al.; GZGI Investigators. Daily Oral GLP-1 Receptor Agonist Orforglipron for Adults with Obesity. N Engl J Med 2023; Sep 7;389(10):877-888.
Nouveautés 2023 pour le traitement des tumeurs hypophysaires à prolactine
Stefan Matei Constantinescu, Loïc De Nijs, Edouard Fomekong, Dominique Maiter, Orsalia Alexopoulou
L’année 2023 a été marquée en endocrinologie par la publication des nouvelles recommandations internationales (1) sur le traitement des prolactinomes, tumeurs hypophysaires les plus fréquentes (prévalence 1/2000). Les prolactinomes ont une prédilection féminine (5-10 femme/1 homme) et une présentation initiale différente selon le sexe, avec des tumeurs au diagnostic souvent plus petites chez les femmes (<1cm, galactorrhée, oligoaménorrhée) et plus volumineuses chez les hommes (>1cm, dysfonction érectile, amputation champ visuel). La cabergoline (agoniste des récepteurs D2 de la dopamine) reste le traitement de choix, avec 80-90% d’efficacité sur la sécrétion de prolactine et la taille tumorale et des effets secondaires chez 10-20% des patients (nausées, hypotension). Trois éléments nouveaux des guidelines méritent plus de précisions.
Tout d’abord, pour les patientes jeunes (<30 ans par exemple), avec une tumeur hypophysaire non invasive (Knosp 0 ou 1), et/ou qui ont un souhait de grossesse rapide et/ou qui présentent des comorbidités psychiatriques avec nécessité de prendre des médicaments anti-dopaminergiques, la chirurgie par voie trans-sphénoidale est proposée en première instance. Ce positionnement de la chirurgie en première ligne, en alternative à la cabergoline a été proposé suite à la publication d’une étude française (2) montrant d’excellents résultats (81% de guérison à 5 ans) dans ces cas bien sélectionnés, de petites tumeurs bien délimitées et non invasives, et après présentation des différentes alternatives aux patientes, épargnant ainsi la prise de cabergoline pendant souvent plusieurs années.
En effet, malgré son efficacité de plus de 90%, le traitement médical doit souvent être continué pendant plusieurs années, et les rémissions à l’arrêt du traitement sont minoritaires (+-30% des patientes à long terme avant la ménopause). Le service d’Endocrinologie & Nutrition des CUSL mène actuellement une étude prospective sur le succès de l’arrêt de la cabergoline dans des cas bien sélectionnés afin de répondre à cette question.
Les recommandations insistent ensuite sur la création de centres d’excellence en maladies hypophysaires, pour une prise en charge systématisée aux mains de chirurgiens et d’endocrinologues expérimentés. Des critères précis ont été mis en avant par l’Endocrine Society cette année (3) pour définir ces centres comme la réalisation d’au moins 50 chirurgies hypophysaires par an, le suivi chronique d’au moins 850 patients avec pathologies hypophysaires et la présence de plusieurs endocrinologues impliqués dans la recherche clinique sur ce sujet, critères remplis actuellement par les cliniques universitaires Saint-Luc.
Enfin les troubles du comportement de type impulsivité ont été clairement attribués à la cabergoline (par un effet possible sur les récepteurs D3 de la dopamine dans le système limbique), touchant environ 10-15% des patients. Cela peut se manifester par de l’hypersexualité, des jeux d’argent pathologiques, ou des achats compulsifs. Ces troubles, souvent non diagnostiqués car sous-estimés ou cachés par les patients, peuvent avoir des conséquences néfastes sur la vie sociale et familiale. L’arrêt du traitement par agoniste dopaminergique permet généralement la résolution rapide de ces comportements pathologiques. Le service a lancé une étude prospective d’évaluation des comportements impulsifs en collaboration avec le Pr Pierre Maurage (neuropsychologue à l’UCLouvain) et recrute activement des nouveaux patients souffrant de prolactinome pour les évaluer avant et pendant traitement à la cabergoline.
Références
- Petersenn S, Fleseriu M, Casanueva FF, et al. Diagnosis and management of prolactin-secreting pituitary adenomas: a Pituitary Society international Consensus Statement. Nat Rev Endocrinol. 2023; 19(12): 722-40.
- Baussart B, Villa C, Jouinot A, et al. Pituitary surgery as alternative to dopamine agonists treatment for microprolactinomas: a cohort study. Eur J Endocrinol. 2021; 185(6): 783-91.
- Giustina A, Uygur MM, Frara S, et al. Pilot study to define criteria for Pituitary Tumors Centers of Excellence (PTCOE): results of an audit of leading international centers. Pituitary. 2023; 26(5): 583-96.
Mise à jour des recommandations de la Société Européenne d’Endocrinologie sur la prise en charge des incidentalomes surrénaliens
Raluca Maria Furnica, Stefan Matei Constantinescu, Orsalia Alexopoulou
Un incidentalome surrénalien est une masse surrénalienne, supérieure à 1 cm de grand axe, découverte fortuitement lors d’un examen radiologique de l’abdomen réalisé pour une autre indication. Ces dernières années, en raison des progrès technologiques de l’imagerie et de l’augmentation de tels examens, cette entité est devenue de plus en plus fréquente. La prévalence actuelle des incidentalomes surrénaliens est d’environ 3% dans les séries radiologiques et augmente avec l’âge (10% chez les personnes de plus de 80 ans) (1,2).
Les recommandations concernant la prise en charge des incidentalomes surrénaliens de la Société Européenne d’Endocrinologie (ESE) en partenariat avec le Réseau Européen d’étude des tumeurs surrénaliennes (ENSAT) de 2016 (3) ont été actualisées en 2023 (4) et s’articulent autour de 4 points principaux.
1. Guider le clinicien dans l’évaluation du risque de malignité d’un incidentalome surrénalien
a) Une masse surrénalienne homogène avec une densité spontanée inférieure à 10 UH peut être considérée comme bénigne, indépendamment de sa taille, et un suivi par imagerie n’est pas nécessaire.
b) Lorsqu’une masse homogène présente une densité spontanée entre 10 et 20 UH, la taille doit être prise en compte : si elle mesure moins de 4 cm, il est recommandé de réaliser une imagerie complémentaire, pour éviter des imageries répétées au cours du suivi; si elle mesure plus de 4 cm avec une densité spontanée supérieure à 20 UH, il est suggéré de prévoir une exérèse chirurgicale de la tumeur. Dans les autres cas intermédiaires, il est recommandé de discuter de la prise en charge en réunion multidisciplinaire et de réaliser des examens complémentaires.
2. Guider le clinicien dans la réalisation du bilan hormonal
a) Il est recommandé de réaliser un test de freinage à la Dexaméthasone 1 mg (DEX) chez tous les patients porteurs d’un incidentalome surrénalien.
b) Le diagnostic de MACS (« Mild Adrenal Cortisol Secretion », nouvelle terminologie remplaçant le terme « sécrétion autonome de cortisol ») est confirmé lorsque le cortisol matinal post-DEX est supérieur à 50 nmol/l, sans aucune autre stratification basée sur le degré de non-suppression du cortisol. Dans ces cas, la sécrétion de cortisol ACTH-indépendante doit être confirmée par un dosage d’ACTH.
c) Le dosage des métanéphrines plasmatiques ou urinaires doit être réaliser afin d’exclure un phéochromocytome devant toute lésion hétérogène avec une densité spontanée supérieure à 10 UH.
d) En cas de HTA et/ou hypokaliémie le dosage de la rénine et de l’aldostérone est recommandé.
e) En cas de masse surrénalienne suspecte de malignité, il est suggéré de doser les stéroïdes sexuels et les précurseurs de la stéroidogenèse.
3. Guider le clinicien à cibler les patients nécessitant une prise en charge chirurgicale
a) L’indication chirurgicale doit se discuter en réunion multidisciplinaire et la prise en charge chirurgicale doit être réalisée par un chirurgien expert.
b) Lorsqu’un patient présente un incidentalome unilatéral, asymptomatique, non fonctionnel, avec les critères de bénignité radiologique, il est recommandé de ne pas opérer.
c) Une surrénalectomie minimale invasive est préconisée pour une tumeur unilatérale avec excès hormonal et pour une masse surrénalienne suspecte de malignité sans une invasion locale mesurant moins de 6 cm. En cas de masse surrénalienne suspecte de malignité et d’invasion locale, une surrénalectomie par laparotomie devrait être proposée. Si la tumeur mesure plus de 6 cm mais sans invasion locale, l’approche chirurgicale devrait être individualisée.
d) Dans le cadre d’une MACS, la prise en charge chirurgicale peut se discuter en cas de tumeur unilatérale chez un patient ayant des comorbidités (diabète, HTA, dyslipidémie, fractures vertébrales).
4. Guider le clinicien dans le cas particulier d’incidentalomes bilatéraux
a) Lors de la découverte d’incidentalomes bilatéraux, la démarche diagnostique est la même que pour un incidentalome unilatéral.
b) Le dosage de la 17-hydroxy-progestérone est recommandé pour exclure le diagnostic d’hyperplasie congénitale des surrénales.
c) La maladie bilatérale peut être classée en quatre catégories : hyperplasie (macronodulaire) bilatérale ; adénomes surrénaliens bilatéraux ; masses surrénaliennes morphologiquement similaires mais non adénomateuses ; masses surrénaliennes morphologiquement différentes. La cause la plus fréquente de lésions surrénaliennes bilatérales est l’hyperplasie primitive macronodulaire des surrénales, responsable d’une sécrétion autonome de cortisol ou d’un syndrome de Cushing franc. Une consultation spécialisée pour dépistage génétique à la recherche de variants pathogènes pouvant être responsables de l’hyperplasie primitive macronodulaire des surrénales (ARMC5, KDM1A) doit être proposée à ces patients.
d) Chez les patients ayant des métastases bilatérales, un lymphome, une maladie inflammatoire infiltrante et des hémorragies, un test de dépistage de l’insuffisance surrénale doit être envisagé.
Références
- Barzon L, Sonino N, Fallo F,et al. Prevalence and natural history of adrenal incidentalomas. Eur J Endocrinol. 2003;149:273-285.
- Bovio S, Cataldi A, Reimondo G, et al. Prevalence of adrenal incindentaloma in a contemporary computerized tomography series. J Endocrinol Invest. 2006;29(4):298-302
- Fassnacht M, Arlt W, Bancos I, et al. Management of adrenal incidentalomas: European Society of Endocrinology Clinical Practice Guideline in collaboration with the European Network for the Study of Adrenal Tumors. Eur J Endocrinol. 2016;175(2):G1-G34.
- Fassnacht M, Tsagarakis S, Terzolo M, et al. European Society of Endocrinology clinical practice guidelines on the management of adrenal incidentalomas, in collaboration with the European Network for the Study of Adrenal Tumors. Eur J Endocrinol. 2023; 20:189(1):G1-G42.
Affiliations
Service d’Endocrinologie et Nutrition, Cliniques universitaires Saint-Luc, 1200 Bruxelles
Correspondance
Pre Orsalia Alexopoulou
Cliniques universitaires Saint-Luc
Endocrinologie et Nutrition
Avenue Hippocrate10
B-1200 Bruxelles