Les cancers de l’œsophage représentent l’indication principale des oesophagectomies. Les lésions bénignes et les sténoses peptiques, beaucoup plus rares, complètent les indications. Selon le type de lésion et la localisation de celle-ci, le type de résection comporte 2 ou 3 temps opératoires :
- 2 voies : abdominale et thoracique : intervention de Lewis Santy avec anastomose oeso-gastrique intrathoracique ;
- 3 voies : thoracotomie, laparotomie et cervicotomie : intervention de Mac Keown avec anastomose cervicale.
La morbidité de cette chirurgie reste élevée malgré les progrès notables de la prise en charge chirurgicale et périopératoire (1). La morbidité est de 30 à 50 % et la mortalité de 2 à 10 % (2). Les complications les plus fréquentes sont d’ordre respiratoire (3).
L’avènement de la cœlioscopie en chirurgie digestive ces dernières années a permis d’améliorer cette prise en charge notamment en diminuant les douleurs postopératoires et en améliorant la reprise d’autonomie permettant ainsi de diminuer de ce fait le temps de séjour hospitalier. L’oesophagectomie mini-invasive (OMI) s’inscrit dans une volonté de réduire le stress et le traumatisme d’une chirurgie nécessitant des abords chirurgicaux multiples. Elle correspond en fait à une multitude de techniques combinant la thoracoscopie, la laparoscopie incluant les OMI hybrides (laparoscopie/thoracotomie ou laparotomie/thoracoscopie) et les OMI totales (laparoscopie/thoracoscopie).
La plupart des études ont tenté de démontrer la faisabilité de l’abord miniinvasif sans toutefois présenter les bénéfices possibles sur les suites postopératoires et les résultats oncologiques (4). Les données actuelles publiées correspondent à des études rétrospectives de petits groupes de patients comportant des biais majeurs rendant difficile les comparaisons (5-8).
L’étude randomisée multicentrique MIRO de phase III a étudié l’impact d’un abord chirurgical hybride sur les complications post opératoires à 30 jours dans le cadre d’une chirurgie standardisée par 2 voies d’abord selon Lewis-Santy. Les patients opérés dans des centres à haut volume étaient porteurs de tumeurs œsophagiennes sous carénaires. La technique cœlioscopique était standardisée. Une oesophagectomie coelio-assistée a été réalisée chez 103 patients et une oesophagectomie par voie ouverte chez 104.
On observe une réduction de la morbidité post-opératoire de grade 2 à 4 selon Dindo-Clavien (9, tableau 1) dans le groupe oesophagectomie coelio-assistée : 35,9% versus 64,4% (OR = 0,31 ; IC95 [0,18-0,55] ; p = 0,0001). Les complications pulmonaires étaient elles aussi diminuées significativement dans le groupe coelioscopique (17,7% vs. 30,1%). Ni la survie sans récidive ni la survie globale n’étaient diminuée par l’utilisation de la technique laparoscopique. Ainsi, la mobilisation gastrique par cœlioscopie (image 1) permet de réduire de manière significative de 69% le taux de complications majeures notamment respiratoires des oesophagectomies n’altérant pas les résultats oncologiques de survie ou de récidive (10).
Ce nouveau « gold standard » a été implémenté dans l’unité de chirurgie œsogastrique depuis peu permettant d’en faire bénéficier les patients des Cliniques universitaires Saint-Luc.
Recommandation pratique
La gastrolyse coelioscopique est devenue un nouveau standard de prise en charge du cancer de l’œsophage permettant de réduire les complications majeures, notamment respiratoires.
Affiliations
Unité de chirurgie oeso-gastrique,
Service de Chirurgie et Transplantation abdominale,
Cliniques universitaires Saint-Luc, Avenue Hippocrate 10, B-1200 Brussels, Belgium
Docteurs Yannick Deswysen, Maximilien Thoma et Benoit Navez
Correspondance
Dr. Yannick Deswysen, MD
yannick.deswysen@uclouvain.be
Références
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